samedi 30 novembre 2013

Petite Chérie

Ne l'ayant pas portée durant neuf fois, elle était virtuelle pour moi et ce fut un grand choc de la voir arriver. J'étais chaviré, incapable de m'apercevoir de quel sexe elle était.

"Vous voulez peut-être savoir ce que c'est, dit l'infirmière qui commençait les soins, c'est une fille !"

Les soins terminés, le bébé ayant de la fièvre fut prestement évacué en pédiatrie. Nous n'avions pas vraiment été présentés. Moment difficile, j'apprenais dès les premières minutes la grande joie et la grande responsabilité du métier de père.

Une heure plus tard, au service pédiatrie, j'ouvris la porte donnant sur un long couloir dont une paroi était vitrée. Fier et bouleversé, j'allais montrer mon premier enfant à ma mère mais je fus un instant désorienté par cette succession de boxes vitrés contenant des couveuses. Comment allais-je reconnaître ce bébé que j'avais juste aperçu durant un quart d'heure ?

Ce fut cependant d'un pas décidé que je longeai la vitre, ces petites choses émouvantes, je ne les vis pas. L'instinct me fit m'arrêter sans hésitation devant la couveuse d'un grand bébé qui se fâchait dans sa boîte avec l'air de dire "Vous ne voyez donc pas que je n'ai rien à faire ici ?". Elle était si belle et si bien faite, c'était ma fille.

Cette nuit-là, la température descendit à moins dix-sept degrés sur Alençon mais je ne ressentis pas le froid.

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Petite Chérie, c'est comme cela que je l'appelle depuis un moment. Vingt-neuf ans et un mètre soixante-dix, elle n'est pas vraiment petite ; elle ne l'a d'ailleurs jamais été. Le beau bébé a tenu ses promesses et n'a plus été malade hormis les petites fièvres communes de l'enfance qui me tournaient malgré tout les sangs. 

Un ange de petit frère, des études, un mariage, comme tout va vite !

Ce soir, elle et son mari nous ont invités, moi, sa mère et son frère. Apéritif au Champagne, c'est ce que je préfère. Pop ! de l'or coule dans mon verre. Zut, j'ai promis à mon épouse de ramener la voiture. Je m'adresse à mon gendre :

"Juste un verre mon gars ! 
Le beau brun me regarde avec des yeux malicieux avant de répondre :
- Oui, mais c'est une cuvée spéciale, regardez !"

Je lis "Juin 2014" au dos de la bouteille. J'ai un court moment de doute, c'est quoi ce millésime ? Puis je vois enfin cette photo au bas de l'étiquette. Pas de doute, c'est une échographie. Une vague me submerge comme en ce jour de décembre 1984.

Je vais être grand-père.





2 commentaires:

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