Novembre est froid et Caen n'est pas une très belle ville... ce n'est pas sa faute, en juin 44, six cent mille obus se sont abattus sur la ville et sa région, provoquant le chaos et la mort. La liberté était à ce prix.
Ecouves est située en Normandie méridionale, nous quittons rarement notre biotope et goûtons peu les plaines calcaires, lutins des collines que nous sommes, mais un concert d'Alina Orlova est chose trop rare pour y surseoir. Après un symbolique shopping dans le centre ville de la cité de Guillaume, nous rejoignons le théâtre de la Comédie de Caen situé à Hérouville St Clair.
Il n'y a pas foule... les gens venus pour le concert sont pour la plupart des festivaliers qui sont ici pour la découverte.
Nous avons le temps de musarder dans le hall du théâtre avant de nous positionner enfin en première place devant l'escalier menant à la salle de spectacle. L'humain est grégaire, il a suffi que nous fissions cela pour que de nombreuses personnes se mettent à faire la queue.
La salle est très confortable, nous sommes assis au premier rang. Alina Orlova n'est pas venue seule de Vilnius et la première partie est assurée par Eglė Sirvydytė du groupe MMPSUF. Douceur, nonchalance, on se croirait chez Emiliana Torrini.
MMPSUF (Je recommande chaudement leurs albums Electro "Expeditors" et "Retina" téléchargeables gratuitement sur leur site.)
Pendant les dix minutes d'entracte, une jeune femme vient s'asseoir à côté de nous en pestant contre les employés du théâtre qui empêchent les prises de vue. Nous discutons un moment, la dame est fan de musique nordique, ça tombe bien, moi aussi. J'ai toujours aimé la glace car elle fond à un moment ou un autre...
Alina Orlova se présente seule au piano, délivrant aussitôt avec rage une multitude de miniatures de sa voix claire, puissante et tendue. Son extrême minceur fait penser aux cordes du Steinway qui ondule sous ses doigts impitoyablement précis à l'impeccable technique classique. Entre chaque morceau, quelques mots presque bafouillés, elle s'excuse de la brièveté de chaque pièce. En solo, ses textes sont des haïkus et sa musique tranchante comme du verre, dégraissée à l'extrême. Jamais je n'ai vu un tel engagement physique chez une chanteuse hormis chez Janis Joplin.
Deux rappels, la salle est conquise et Alina épuisée nous fait signe qu'elle arrête. Je connaissais sa musique pour posséder ses quatre albums dont un en live mais je ne l'avais pas vue jusqu'ici s'impliquer ainsi physiquement avec une telle urgence ; j'en suis presque inquiet pour elle.
22h45, nous avons cent kilomètres à faire pour retourner dans nos collines, je demande à mon épouse de charger un CD dans le lecteur de la voiture. La radio se met automatiquement en marche. Stupeur, chaos, mort.
La ville de Caen n'est pas très belle et elle connaît le prix amer de la liberté. La ville de Caen n'est pas très belle mais elle est toujours debout.
Alina Orlova en public à Vilnius :
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