mardi 1 janvier 2013

Dernières lueurs


Avec le temps, nos relations s'étaient distendues et je ne réussissais la plupart du temps à le voir qu'à Noël ou quand il y avait un nouveau coup dur. Pourtant, juste une heure de route nous séparait.

C'était un petit novembre frais mais ensoleillé, c'était un petit hôpital à la campagne avec ses peintures défraîchies, ses personnes âgées dans le hall et ses infirmières toujours dévouées et respectueuses. On sentait bien qu'on n'était pas ici pour guérir. On était là pour attendre.

Arrivé dans sa chambre, je le trouvai encore plus fatigué, encore plus couleur de terre. Il me sourit cependant. Malgré des relations à éclipses et deux mondes si différents, nous n'étions jamais entrés en conflit. Nous nous aimions bien et je ne saurais expliquer pourquoi.

"On descend dans l'entrée...", je savais pourquoi il ne voulait pas qu'on s'entretienne dans sa chambre ; même si prendre l'ascenseur lui demandait un effort, un tour au rez-de-chaussée allait lui permettre de tirer sur sa foutue cigarette. 

Nous nous assîmes un moment, nous regardant l'un l'autre, échangeant quelques propos sur mes derniers cross ou mon prochain marathon. Lui, n'avait rien à me raconter en dehors peut-être d'une blague sans conviction sur le dernier organe qu'on lui avait prélevé. J'avais presque honte de mon insolente bonne santé mais cependant, mes récits semblaient lui faire plaisir comme s'il y était pour quelque chose, lui le grand frère, l'adolescent sportif et hyperactif qu'enfant j'essayais de suivre.

Au bout d'une trentaine de minutes, je vis qu'il était épuisé. Il redressa l'arc de son corps étique et se dirigea vers la porte vitrée. "Je t'accompagne jusqu'à ta voiture." Cent mètres à peine et une demi-cigarette : il était à bout de souffle. Je l'embrassai et le laissai rebrousser chemin. Je n'en menais pas large, me sentant confusément coupable d'une faute que je n'avais pas commise.



Dessin de Spencer Zahn pour Procol Harum (1973)


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