Nouvelles conférences sur la psychanalyse
de Sigmund Freud (1932)
(Traduit de l'allemand par Anne Berman - Idées Gallimard)
Durant ma carrière professionnelle, j'ai plusieurs fois côtoyé Sigmund Freud dont l'influence de la théorie psychanalytique était considérable dans la formation des enseignants (tout particulièrement en France). Méfiant de nature et allergique aux vérités assénées, j'ai vite compris qu'il y avait un rat dans la soute comme dirait Jacques... J'ai découvert assez rapidement que ce qu'on nous présentait comme une théorie scientifique tenait plus de la métaphysique ou même du chamanisme quant à l'interprétation des rêves, des contes de fées (Bettelheim) ou des dessins d'enfants (auteurs divers). Mais ce n'est que petit à petit, en me débarrassant avec l'âge de mes oripeaux de mâle dominant que j'ai réalisé que la première victime de tonton Sigmund était la femme dont il a toujours nié la réalité de la féminité, allant dans certains écrits jusqu'à pratiquer une excision symbolique de la petite fille quand il explique son passage supposé du stade clitoridien au stade vaginal.
Les extraits présentés sont tirés de conférences que Freud a écrites mais pas présentées du fait de son grand âge. Comme quoi, on ne s'améliore pas forcément en vieillissant. Pour détendre l'atmosphère, j'ai intercalé entre les paragraphes des dessins de la graphiste chinoise Yang Liu.
Extraits de la conférence sur la féminité
En
général, vous employez le mot « viril » dans le sens d' « actif » et le mot «
féminin » dans le sens de « passif », non sans raison d'ailleurs. La cellule
sexuelle mâle est active, mobile, elle va au-devant de la cellule féminine,
l'ovule immobile et passif. Du reste, le comportement des individus mâle et
femelle durant les rapports sexuels est calqué sur celui des organismes sexuels
élémentaires.
Le
complexe de castration de la fillette naît aussi à la vue des organes génitaux
de l'autre sexe. Elle s'aperçoit immédiatement de la différence et en comprend
aussi, il faut l'avouer, toute l'importance. [...] La fillette, quand elle
découvre son désavantage, ne se résigne pas facilement : au contraire,
longtemps encore elle espère se trouver un jour pourvue d'un pénis et cet
espoir persiste parfois très tardivement.
Parmi les
mobiles capables d'inciter la femme adulte à se faire analyser, il faut compter
le désir de posséder enfin le pénis. Le bien qu'elle attend raisonnablement du
traitement, par exemple la possibilité d'exercer quelque profession
intellectuelle, n'est souvent qu'une forme sublimée de ce désir refoulé.
Le
désir du pénis a une indéniable importance. On cite quelquefois comme un
exemple d'injustice masculine certain reproche adressé à la femme, à savoir que
l'envie et la jalousie jouent un rôle plus considérable dans la vie spirituelle
de la femme que dans celle de l'homme.
Nous
imputons à la féminité un narcissisme plus développé qui influence le choix
objectal, de sorte que, chez la femme, le besoin d'être aimée est plus grand
que celui d'aimer. C'est encore l'envie du pénis qui provoque la vanité
corporelle de la femme, celle-ci considérant ses charmes comme un dédommagement
tardif et d'autant plus précieux à sa native infériorité sexuelle. La pudeur,
vertu qui passe pour être spécifiquement féminine et qui est, en réalité, bien plus
conventionnelle qu'on pourrait croire, a eu pour but primitif, croyons-nous, de
dissimuler la défectuosité des organes génitaux.
On
pense que les femmes n'ont que faiblement contribué aux découvertes et aux
inventions de l'histoire de la civilisation. Peut-être ont-elles cependant
trouvé une technique, celle du tissage, du tressage. [...] La nature elle-même
aurait fourni le modèle d'une semblable copie en faisant pousser sur les
organes génitaux les poils qui les masquent. Le progrès qui restait à faire
était d'enlacer les fibres plantées dans la peau et qui ne formaient qu'une
sorte de feutrage.
La femme, il faut bien l'avouer, ne possède pas à un haut degré le sens de la justice, ce qui doit tenir, sans doute, à la prédominance de l'envie dans son psychisme. [...] Nous disons aussi que les femmes ont moins d'intérêts sociaux que les hommes, et que chez elles la faculté de sublimer les instincts reste plus faible.
Un homme
âgé de trente ans environ est un être jeune, inachevé, susceptible d'évoluer
encore. [...] Une femme du même âge, par contre,
nous effraie par ce que nous trouvons chez elle de fixe, d'immuable; sa libido
ayant adopté des positions définitives semble désormais incapable d'en changer. [...] tout se passe comme si le
processus était achevé, à l'abri de toute influence, comme si la pénible
évolution vers la féminité avait suffi à épuiser les possibilités de
l'individu.
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