samedi 3 mars 2018

Courons dans le congélateur

 28 février

P... de vent d'est ! Dimanche c'était supportable, il ne faisait que moins deux et le grand soleil nous consolait de deux mois de déluge et de gris. Ce matin, il fait moins huit et je me suis équipé en conséquence. Quand je sors de chez moi, j'ai l'impression de pénétrer dans un congélateur. J'ai mis une casquette pour protéger le sommet de mon crâne de plus en plus déserté par les cheveux ; un bonnet eût été plus adéquat mais j'ai l'air d'un nœud avec ce genre de couvre-chef et je ne dois pas avoir l'air d'un nœud quand je cours avec des copines, à fortiori avec Katia qui a toujours les yeux et les ongles faits, même à quatre heures du matin au départ d'un trail en pleine montagne. Au moins on peut faire notre séance, ce n'est pas comme il y a trois semaines* où il a fallu surseoir à l'entraînement sur piste pour cause d'enneigement.

Arrivé à la Fuie des Vignes, je me félicite d'avoir mis des gants. Les fossés de ce grand espace marécageux urbain sont couverts de glace, les nombreux oiseaux du lieu se font discrets en attendant des jours meilleurs. Comme à l'accoutumée, nous traversons Perseigne ce quartier qui fait peur aux bourgeois. Nous croisons des Africaines transies qui nous saluent et nous leur répondons. Les jardins familiaux sont déserts, la nature est en suspens. 

Surprise, nous ne sommes pas seuls en arrivant sur notre belle piste de 400m. Deux jeunes femmes s’y entraînent à un bon rythme ainsi que Joséphine qui fait des séries de fractionnés. Cette jeune "espoir" a décidé de s'attaquer à son record sur 10km et elle s'y donne à fond malgré le froid polaire... euh non, pas polaire car au même moment, il fait trois degrés au-dessus de zéro à Nuuk, la capitale du Groenland (J'ai vérifié). En tout cas Joséphine, c'est une fille qui en a... tout juste vingt ans et de la volonté à revendre et ce n'est pas la présence de phoques et d'ours blancs qui va la décourager.

Et c'est parti pour huit fois mille mètres plus deux cents mètres de récupération. Vingt-quatre tours de piste dont les trois-quarts effectués à la vitesse semi-marathon soit 12,5 km/h à 13 km/h. Dès le deuxième tour, je sens que Katia souffre. Je sens, je n'entends pas car elle ne se plaint jamais. Courir avec son asthme en hiver est bien souvent une torture pour elle. Quand ses poumons produisent un sifflement aigu, je sais que l'on a atteint les limites. Je me demande parfois si tout cela est bien raisonnable, je me demande aussi comment on peut ranger autant de pugnacité dans un mètre soixante-quatre. Peut-être vient-ce du fait d'avoir mis au monde quatre enfants et de les élever...

Pour avoir entraîné pas mal de femmes, je sais que leur légendaire endurance n'est pas physique, elles sont même désavantagées de par leur plus petite capacité pulmonaire sans parler du ratio poids/masse musculaire. Et pourtant...

Et pourtant, Katia a fini le Tour des Glaciers de la Vanoise là où j'échouais au 50ème km. Et pourtant, elle a bouclé les 100km de Millau en moins de douze heures. Et pourtant, elle a couru 151 km en 24 heures lors de la No Finish Line là où je n'ai pas pu dépasser 107 km l'année précédente.

Tout cela m'amène à plus d'humilité mais cela ne me coupe pas la parole. Sans vergogne, je fais des commentaires élogieux sur les fessiers féminins que nous côtoyons. Katia semble bien encaisser mes propos issus d'une ancestrale tradition de machos préhistoriques. Parfois je pense que je devrais avoir honte mais je me dis aussitôt que cesser de dire ce qui me passe par la tête serait le début d'un court chemin menant à l'hypocrisie.

Au bout d'une dizaine de tours, je m'aperçois que l'eau mentholée de ma gourde forme des petits glaçons malvenus par cette météo. Six, sept, huit fois mille mètres, nous finissons le dernier tour à un bon treize à l'heure. La température est remontée à moins cinq. C'est presque de la douceur. Il ne nous reste plus de 3,5km pour retourner à notre point de départ. Katia parle de ses enfants, quant à moi, je ne puis m'empêcher de m'extasier sur le bonheur d'être grand-père. Chaque génération a ses plaisirs...



Dans moins d'un mois, nous serons au départ du marathon de Bordeaux. Ces neuf semaines de préparation s'avèreront utiles. Ou pas... 

*Entraînement du 7 février

2 commentaires:

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