dimanche 14 avril 2019

Trail des Châteaux de la Loire 2019 - 63 km

"Vertudieu ma Mie, il est temps que je me remette au desport car je suis encore frais et gaillard pour mes soixante-trois reverdies. J'ai lu dans la Gazette Normande que les féaux du Duc d'Orléans organisaient une  feste à courre dans les environs de la bonne ville de Blois.
- Grand bien vous en fasse mon ami, peut-être que cela m'amènera quelque peu de quiétude, vous qui ne pensez que mettre au Geoffroy dès que vous séjournez trop au logis !
- C'est que votre beauté fait pâlir Phoebus, ma Mie ! Je vais sans désemparer nous trouver un nid digne de notre hyménée, nous qui convolons désormais depuis quarante-et-une années."


Ce qui fut dit fut fait, je trouvai un gîte non loin du départ de la courre, un petit manoir sis dans un parc arboré. Une bien agréable demeure nonobstant des avanies de chauffage inhérentes aux vastes logis d'antan mais ce n'est pas un descendant de Theudric l'éboyauteur qui se répandra en jérémiades à ce propos. 


Dès mâtines j'étais sur le pied de guerre à Maslives où je trouvai divers commensaux aux harnois divers et colorés indiquant leur maison ou leur vassalité. Pour ma part, j'arborai ma tenue "gueule sur fond de gueule" propre à ma dynastie qui s'enorgueillit de ses racines franques fort anciennes quoique modestes si on les compare à celles des Ursidés d'Ecouves dont ma chère épouse et sa lignée sont les lointains hoirs.


La demeure du bon roi François est sise à Chambord au milieu d'un modeste parc de la taille de Paris intra-muros, nous passâmes un bon moment à courre dans cette réserve dédiée à l'art cynégétique des souverains. La plupart des jeunes hobereaux constituant la compagnie se sont mis à forlonger, partant au diable Vauvert comme si jà l'on avait sonné l'hallali. Foutrebleu ! Ces impertinents galopeurs ne seraient-ils pas présomptueux ?


Qu'ils escampent, peu m'en chaut ! pensai-je à cette heure, je ne ferai pas mon août en avril comme un jeunet sans expérience et mènerai mon train comme il se doit. C'est donc en petite compagnie du cul de la courre que je cheminai un bon moment, côtoyant femmes girondes et vieillards chenus à mon instar. Je pensais lors de ces instants à la tortue du bon La Fontaine qui cheminait à son train tout en ne perdant pas de vue son secret dessein d'élargir à terme le fondement de ce nigaud de lièvre.


Après quatre lieues et un arrêt ripaille au château de Saumery, je décidai de quitter la petite troupe pour aller chasser le gueux plus avant. Pour ce faire, il me fallut traverser maints pâturages et maintes cultures pour enfin apercevoir l'objet de mes poursuites. En ces instants, je sentis l'ennui poindre, le pays étant aussi plat et herbu qu'une Portugaise dénutrie. 


Tenace comme le blaireau qui défend sa mesnie, je progressai horlogèrement au point de revenir sur un groupe de sémillants trentenaires encadrant une donzelle au jarret ferme et à la cuisse avenante répondant au doux nom de Sabrina. Gentilhomme que je suis, je restai un bon moment en compagnie de cette jeunesse mais, sentant leur allure perdre de sa superbe, je décidai à terme de leur fausser compagnie, traçant ma route après l'étape du château des Grottaux où je procédai à mon avictuaillement.


Après un fort long périple plus que plat, j'arrivai sur les bords de la belle Loire. J'approchais des huit lieues et débutais mon desport favori : le trousse-faquin. Un par un ou deux par deux, je passais tous ces impertinents qui m'avaient laissé pour mort sur le champ de bataille. Et, ce n'était qu'un début... Une fois arrivés à Blois, il restait encore huit bonnes lieues à parcourir et bon nombre des outrecuidants m'ayant précédé avaient tiré leurs dernières flèches alors qu'ils abordaient la forêt de Russy.


La forêt de Russy et ses sentes drues et raides aux déversoirs chafouins durs aux manants... un régal pour un guerrier blanchi sous le harnois qui en a encore dans le pot au lait. Palsambleu, on allait voir ce qu'on allait voir : une lieue et demie à escandir et descandir sans dégoder. 

Diantre ! Alors que je m'apprêtais à crier "Montjoie Saint-Denis", deux novelets d'une trentaine d'ans, harnachés comme des barons, me dépassèrent sans même me saluer comme il s'eût dû... cela faisait au moins quatre lieues que je n'avais pas eu à subir cet affront. Le coup fut rude mais ma détermination n'en fut que renforcée : prompt à l'éperon que je suis, je me lançai à l'assaut des impudents la rage au ventre et la bave aux lèvres. J'étais bien décidé à faire rendre gorge à ces deux sanglerons avant la fin de notre périple.

La lance roide et bien calée, je me jetai à l'assault, bousculant les paltoquets qui rampaient sur mon chemin. Durant une lieue et demie, j'escandais et descandais sans débander de l'arbalète, laissant sur le carreau bien des guerriers présents.


Taïaut ! Alors que s'aplanit la selve, voici que j'avise les deux foutriquets qui marchaient tels des enfançons embrennés ! Je les passai comme un pet glisse sur une toile cirée. Point ne me regardèrent, prêts à débagouler qu'ils étaient. Vae Victis !

Les castels de Beauregard de Troussay puis de Conon furent vite passés, j'arrivai enfin au bout des seize lieues de ma chevauchée en ayant remonté soixante et six combattants et combattantes, nonobstant en m'excusant auprès de ces dames du léger affront fait à leur bel arrière-train.

Arrivé à Cheverny, je fus accueilli par Dame Josette, ma gente épouse qui me dit qu'elle avait vu arriver bien des paltoquets gémissants et tressuants de la précédente courre qui ne faisait que huit lieues ! Quel assoulagement pour ma Mie que de me voir trestout rafraîchi et la lance bien droite à l'issue de ce bataillement.



Alors que je cherchais un tavernier pour étancher mon assoiffage, j'eus l'heur et l'honneur de tomber sur le Seigneur Jean-Claude, éminent guerrier local dont les hauts faits relèguent mes passes d'armes au rang de calembredaines. Nous discutâmes un bon moment de ses exploits récents dont son assault de la Diagonale des Fols d'il y a deux ans alors qu'il avait déjà soixante et quatorze reverdies. 


Ragaillardi par cette belle rencontre, je retournai en mon castel en compagnie de ma chère épouse avec laquelle je passai la soirée à partager moult pintes de bon vin de Loire avant que de rejoindre ma couche pour une reposaille bien méritée.



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