Arrivé à 67 ans, quand on a fait du sport toute sa vie, on compte bien quelques accident de parcours qui, l'âge venant, finissent par vous rappeler que vous n'êtes plus trentenaire, quadragénaire ni même quinqua... Étant d'un naturel assez optimiste (ou inconscient, c'est selon), je me dis que tant que j'ai mal quelque part c'est que je suis toujours vivant.
N'empêche, mon épaule droite a cumulé un max de crashes : chute de vélo à trente-deux ans puis mauvaise réception en judo à quarante-neuf ans et enfin percussion piéton-voiture avec vol plané de trois mètres à l'âge de cinquante-cinq ans. Résultat : trois luxations fermées et une clavicule cassée et ressoudée comme elle a pu. L'épaule gauche avec ses ligaments effilochés après une chute d'escalade fait figure de gamine à côté. Quant à mes trois traumatismes crâniens, tant que je ne consulte pas de psychiatre, ils n'ont pas de conséquence officielle.
Donc, cette fichue épaule droite m'a toujours posé problème ne serait-ce qu'au niveau esthétique. La clavicule de travers et l'acromion qui ressort en touche de piano, ce n'est pas harmonieux d'autant plus que ça me fait une épaule plus basse que l'autre et une foulée de traviole. Plusieurs fois lors de compétitions de serviables concurrents se sont enquis de mon état croyant que ma foulée claudicante était prémice de décès imminent. Ce à quoi j'ai au mieux répondu par le silence, au pire par un croche-pied. De quoi j'me mêle !
Je me suis cependant habitué à cette déformation et aux douleurs qui vont avec, mon épaule me rappelant à l'ordre principalement quand je me prends des pelles en trail c'est à dire deux ou trois fois par mois. En bon judoka, je sais limiter les dégâts et protéger mes abatis mais je ressens bien souventes fois quelques exquises douleurs qui me rappellent à l'ordre. Ouille !
Le dernier vendredi de décembre, je courais en Ecouves avec ma chère épouse et ma non moins chère fille qui, à trente-huit ans, se met doucement au trail et montre de prometteuses capacités de puissance et d'équilibre. Voyant que nous arrivions à proximité du terme de notre circuit, l'impudente trentenaire se met à accélérer sur un single track zigzaguant parmi les arbres, m'obligeant à passer le douze à l'heure sur un terrain plus que gras.
Arriva ce qu'il devait arriver, mon pied droit ripa sur une plaque de boue et je partis en un dérapage incontrôlé qui se termina par la percussion de l'épaule sus-nommée contre un jeune mais bien solide hêtre. La douleur intense me maintint quelques temps assis dans la boue avant que je ne me relevasse un peu sonné. La nuit fut blanche et je ressortis les poches de glace et le paracétamol. Mon amie Katia Kiné point ignorante en la matière me diagnostiqua une entorse acromio-claviculaire. C'est tout ! Même pas luxée l'épaule !
N'empêche, une dizaine de jours après, je ne dors que sur le côté gauche et j'ai l'air fin avec mon bras en position de sécurité quand je cours comme un Napoléon en short. Et puis...
Et puis, dimanche au sortir de la douche je commence à essuyer ma carcasse qui parfois m'escagasse quand mon épouse ouvre des yeux ébahis à défaut d'être éblouis : "Mais, regarde ta clavicule, elle est presque remise et la touche de piano a disparu".
Mazette ! Je suis presque normal. Une seule conclusion s'impose, le choc de vendredi a semble-t-il relogé ma clavicule dans son articulation après toutes ces années de guingois. De la kiné à la Barbare, j'avais toutes les chances de casser quelque chose et je me suis remis d'équerre. Trop du bol !
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