jeudi 23 septembre 2010

C... comme la Lune !

Depuis que je suis tout petit, je n’ai cessé d’entendre des tombereaux d’âneries proférées par des adultes soit ignorants soit insuffisamment patients pour expliquer le monde et le sens de la vie à un enfant  trop curieux. Après qu’on m’eut fait le coup de la Petite Souris puis celui du Père Noël, je suis devenu très méfiant puis, le temps aidant, allergique aux vérités assénées sans le commencement d’un début de preuve.

 D'ailleurs, le Père Noël, c'est un vilain exploiteur !

S’il est un domaine dans lequel la vacuité sidérale de la réflexion l’emporte sur la vastitude des applications hasardeuses, c’est bien celui de  la Lune et de ses influences. Héritées des anciennes religions néolithiques, les croyances liées à la Lune ont perduré jusqu’ici malgré le combat que leur firent jadis l’église chrétienne puis la science moderne. Ces croyances ont fini par  diffuser dans toutes les couches de la société et l’on est surpris de trouver des gens apparemment de bon sens vous affirmer qu’ils sont persuadés que la Lune a une influence sur telle ou telle chose.
Depuis plusieurs années, je me suis penché sur cette énigme et ai interrogé un tas de personnes sur un bon nombre de sujets liés à cette problématique.
Posons donc les bonnes questions :

Puisque la Lune a une influence sur les marées, a-t-elle une influence sur notre corps ?

L'argument le plus souvent opposé en faveur des pouvoirs de notre satellite est celui  de son influence gravitationnelle dont on peut avoir un exemple à travers le phénomène des marées. Bien entendu, la Lune a une influence gravitationnelle sur la Terre que l’on peut exprimer ainsi : F = G(mm')/r² (la constante gravitationnelle G multipliée par le produit des deux masses, divisée par le carré de la distance).

Or, au vu de cette formule, il est clair que nous subissons (et tous les objets terrestres avec nous) autrement plus l'influence gravitationnelle de la Terre (c'est ce qui nous maintient dessus) annihilant celle de la Lune (dont la masse correspond à 1,23% de celle de la Terre) et qui est située à une distance de 384 000 kilomètres (en moyenne). 

L’effet des marées est la conséquence de la force gravitationnelle lunaire combinée avec celle du Soleil mais cela ne produit ses effets sur Terre uniquement que sur des objets dont la masse est très importante comme les océans ou la croûte terrestre qui connaît aussi des marées, alors que la force gravitationnelle lunaire est nulle sur des objets aussi minuscules que peuvent l'être les êtres humains ou les animaux.


 Quoique...

On peut d'ailleurs constater que les mers fermées (donc plus petites que les grands océans) n'ont pas de marées (ou insignifiantes) malgré leur surface et leur masse autrement plus importantes que celle d'un individu. Le Soleil a une force de gravitation 200 fois supérieure sur un être humain à celle de la Lune car s’il est beaucoup plus loin, il est 330 000 fois plus massif que la Terre qui est elle-même environ 80 fois plus massive que la Lune.  

Prenons comme exemple, sur la face de la Terre dirigée vers la Lune, un nourrisson que sa mère enlace tendrement et serrant lui-même un petit ours en peluche dans ses bras :

Je vous passe la formule du calcul de la force de marée mais sachez que le calcul numérique nous montre que le petit ours en peluche exerce sur le nourrisson une force de marée 20 000 fois plus grande que celle de la Lune. Quant à la mère, la force marémotrice qu'elle exerce sur le nourrisson est plus de 10 millions de fois supérieure à celle de la Lune !


Comme vous le constatez, l’influence de la Lune sur notre corps c’est peanuts et compagnie…

Enfonçons-nous maintenant dans le domaine d’un irrationnel plus gluant :

La Lune a-t-elle une influence sur la météorologie ?

On peut penser que si la mer est soulevée par l'attraction de la Lune, notre atmosphère doit l'être tout autant. Cela est vrai pour l’aspect gravitationnel mais en ce qui concerne les phases (qui ne sont que des éclairages apparents du satellite), c’est une autre paire de manches…

Le dogme de l'influence des phases lunaires sur la météo a des partisans convaincus, surtout dans les campagnes. Pourtant, de longues suites d'observations, enregistrées depuis plus d'un siècle, jour par jour par les différents services météorologiques n'ont pas permis d'établir un lien entre le mouvement de la Lune et les phénomènes météorologiques.

D'ailleurs, la phase de la Lune est la même à la fois sur toute la Terre, tandis qu'une dépression peut mettre cinq jours pour se déplacer du Nord de l'Ecosse jusqu'au fond de la Baltique, entraînant des variations diverses sur toute la France. De plus les phases de la Lune sont aussi observées sur l'ensemble des déserts et pourtant le temps n'y change guère !

Voilà pourquoi les supercalculateurs de Météo France ne prennent pas en compte les phases de la Lune. Cela dit, quand il fait mauvais depuis trop longtemps, ça fait toujours du bien de penser qu’à la prochaine lune, le temps s’améliorera car chez moi en Normandie, la météo reste rarement fixe plus de 29,5 jours (cycle réel de la Lune).

 

La Lune a-t-elle une influence sur la végétation ?
Tout le monde a entendu qu’il faut mettre le vin en bouteille en Lune décroissante, semer les pommes de terre en Lune croissante… et je ne parle pas des salades qui montent en graine par faute de consultation du calendrier lunaire !  Jusqu'à présent, la science agronomique, qui a fait des progrès considérables depuis un siècle, n'a pu  homologuer la moindre de ces croyances.
Je suis allé enquêter auprès du président de la Société d’Horticulture de l’Orne avec lequel j’avais mené des expériences pédagogiques dans le domaine du jardinage (qui m’avaient valu les félicitations de Michel le Jardinier sur France Inter) ; celui-ci m’a confirmé qu’il n’avait jamais pu constater d’influence particulière de la Lune sur la croissance des végétaux. Et d’ailleurs si c’était le cas, on observerait dans les magasins des ruptures régulières d’approvisionnement de certains légumes en fonction des phases lunaires. 
 
En cherchant un peu plus loin, j’ai fini par m’apercevoir que, très tôt, des professionnels de l’horticulture avaient déjà fait des observations similaires :

En 1680, le célèbre Directeur  des jardins de Louis XIV, l’agronome français Jean de la Quintinie, écrivait ceci : « Je proteste de bonne foi que, pendant plus de trente ans, j’ai eu des applications infinies pour remarquer au vrai si toutes les lunaisons devaient être de quelque considération en jardinage, mais qu’au bout du compte tout ce que j’ai appris par ces observations longues et fréquentes exactes et sincères, a été que ces décours ne sont que vieux discours de jardiniers malhabiles…Greffez en quelque temps que ce soit, pourvu que vous le fassiez adroitement et dans les saisons propres à la greffe, et sur des sujets convenables à chaque sorte de fruits, et qu’enfin le plant soit bon et bien disposé, en sorte qu'il n'ait ni trop de sève ni trop peu, vous réussirez certainement…Et tout de même, semez et plantez toute sorte de graines et de plantes en quelque quartier de la Lune que ce soit, je vous réponds d’un égal succès, pourvu que votre terre soit bonne, bien préparée, que vos plantes et semences ne soient pas défectueuses et que la saison ne s’y oppose pas. Le premier jour de la Lune comme le dernier seront également favorables à cet égard… ». (Merci Bernard pour avoir trouvé ce savoureux texte.)

*Depuis que je lui ai envoyé ce texte il y a quelques années, Alain Baraton, le jardinier en chef de Versailles le cite régulièrement sur France Inter quand on aborde le sujet de la Lune. 


Et pourtant, plus de trois cents ans plus tard, il se trouve nombre d’éditeurs pour sortir une multitude de manuels du type « Jardinons avec la Lune » et moult jardiniers assez crédules pour les acheter !  Business is business...

La Lune a-t-elle une influence sur la pousse des cheveux ?
Pendant qu’on y est, les cheveux, c’est comme l’herbe, à un cheval près. Ça pousse, non ?  A ce propos, je suis allé consulter mon ami Allain, coiffeur depuis 40 ans, titulaire du Brevet Professionnel de coiffure. Il m’a confirmé que certains clients veillaient scrupuleusement à se faire couper les cheveux exclusivement lors de certaines phases bien définies de la Lune. Il a ajouté que la pousse des cheveux était régulière tant que le sujet était en bonne santé mais qu’il ne cherchait pas à contredire ses clients. Quand on est coiffeur, on ne coupe pas les cheveux en quatre !
J'ajouterai que faire suivre les cycles de la Lune aux clients c'est un bon truc de marketing pour les pousser à se faire couper les cheveux chaque mois...

  
La Lune rousse brûle-t-elle les bourgeons ?
La Lune rousse, c'est la première lunaison après Pâques. Selon la légende, si la Lune brille dans le ciel du mois d’avril, il y a des chances pour que les jeunes pousses de vignes ou de pommes de terre soient gelées le matin. On dit que la Lune les a roussies (brûlées). La coupable, c'est elle, puisqu'elle est la seule visible dans la nuit et au petit matin, justement au même moment où les fragiles boutures sont détruites par le gel ! Imaginez, le paysan, se levant de bon matin, constatant que toutes les patates sont gelées, roussies: il cherche le coupable, et que voit il ? Dans le ciel clair: la Lune: c'est elle !!! Il a trouvé la coupable.
Signalons d’ailleurs que la Lune rousse dans son aspect n’est pas différente des autres pleines lunes, c’est parce qu’on lui attribue la responsabilité de ce que l’on vient de voir qu’on l’appelle Lune rousse.
Un certain nombre d’incrédules soupçonnaient les gelées nocturnes d’avoir provoqué ces dégâts aux bourgeons. Les partisans de la Lune rousse et de ses rayons destructeurs, exécutèrent une série de mesures par nuit claire avec une belle pleine Lune. Un thermomètre enregistreur fut placé près des bourgeons. Un matin, alors que les bourgeons étaient roussis, nos tenaces partisans constatèrent que le thermomètre n’avait pas enregistré de température au-dessous du zéro degré fatidique. C’était donc bien la Lune et ses rayons maléfiques qui roussissaient ainsi les bourgeons !
 
C'est vrai qu'elle a une sale tête, la Lune Rousse !
 

Que nenni ! Et là je cite mon ami Bernard dans un article qu’il fit paraître dans Sciences et Vie :
Pour bien comprendre ce qui se passe, il faut se rappeler qu’un bourgeon ou tout autre corps ou objet, est encore capable de libérer de l’énergie thermique à zéro degré, mais également en dessous de zéro degré. En fait seuls les corps dont la température est proche du zéro absolu, c’est à dire  à –273 degrés C, ne possèdent plus d’énergie thermique.
Il y a 3 modes d’échange calorifique :
La convection : c’est classiquement la casserole d’eau que l’on fait chauffer sur le gaz. L’eau a des mouvements de convection dans la casserole.
La conduction : c’est par exemple une cuillère métallique dont une extrémité est au-dessus d’une flamme, après un certain temps, le manche brûle les doigts.
La radiation : la sensation de chaleur que vous ressentez au niveau du visage, par exemple, quand vous passez  devant un radiateur électrique «radiant ». 

Pour les bourgeons, n’oublions pas qu’ils contiennent de la sève principalement constituée d’eau, et rappelons-nous que le thermomètre enregistrait la température de l’air. Or l’eau échange ses calories beaucoup plus facilement que l’air qui est très isolant. En effet c’est l’air emprisonné dans les couvertures ou les duvets qui nous tient bien au chaud en nous isolant du froid quand nous sommes au lit. Par contre, c’est l’eau chaude des bouillottes qui nous réchauffait autrefois, grâce à la capacité de l’eau à communiquer ses calories.
La nuit, le soleil n’étant plus là pour réchauffer, tout se refroidit. Si par une nuit d’avril nous voyons la pleine Lune, cela signifie qu’il n’y a pas de couverture nuageuse. La haute atmosphère est très froide, et en avril, par temps clair, les bourgeons n’ayant plus la protection des nuages qui agissent à la façon d’un couvercle de cocotte minute, se refroidiront par radiation, plus vite que l’air ambiant. C’est pourquoi les bourgeons gèlent alors que le thermomètre placé à côté n’est pas descendu au-dessous de 0° C. La glace, que nous avons parfois la désagréable surprise de trouver sur nos pare-brise de voitures, est produite par le même phénomène physique.
Un peu de physique élémentaire suffisait d’expliquer le phénomène mais n’est-il pas plus gratifiant quand on se prend pour un jardinier averti de prendre un air mystérieux et entendu en insinuant qu’on est au fait des arcanes étranges de la science occulte des lunaisons maléfiques !

C'est vrai que ça fait peur !

La Lune influe-t-elle sur les naissances ?

Oh, les belles âneries que j’ai pu entendre en ce qui concerne la conception et la naissance des enfants en rapport avec la Lune ! Bien sûr Madame, il faut concevoir les garçons en Lune montante puisqu’ils ont un zizi qui monte et les filles en Lune descendante puisque les filles sont souvent associées aux notions de vide ou de manque. Et les naissances plus nombreuses lors de la pleine Lune, Monsieur, vous en avez constaté la véracité ? Euh… non mais vous avez entendu dire que … mais par des gens qui travaillent en maternité...

On est là dans l’irrationnel absolu mais ça s’explique.

Renseignons-nous à la source, auprès de mon ami Serge qui fut  chef de service de la maternité de l’hôpital de ma ville. Je lui ai donc posé la question : « Y a-t-il un rapport entre la pleine Lune et le nombre de naissances ?

Il m’a répondu  d’un ton définitif : « S’il y avait plus de naissances lors de la pleine Lune, cela fait bien longtemps qu’on aurait organisé les plannings en conséquence ! » Il m’a ensuite confirmé qu’en plus de trente ans de pratique en tant que gynéco-obstétricien, il n’avait jamais observé de corrélation entre la Lune et la conception des enfants ni la fréquence des accouchements.

Certaines études, ont bien été menées afin de quantifier l'influence de la Lune sur les naissances. Il suffisait pour ce faire de tout simplement relever les jours de pleine Lune et de les comparer au registre des naissances d'une ou plusieurs maternités données.

Une de ces études, datant de 1984, a porté sur un total de 3324 naissances relevées dans deux hôpitaux de Montréal durant une période de 16 mois; les résultats furent sans appel : aucune augmentation ne fut notée ni pendant les jours de pleine Lune, ni pendant les jours précédents ou suivants les nuits de pleine Lune.

Une étude américaine publiée en 1967 relevant les naissances entre 1948 et 1957 et entre 1961 et 1963 fut sans résultats probants pour les partisans des naissances lunaires. Plus proche de nous, le démographe Frédéric Sandron a relevé les naissances jour par jour en France de 1985 à 1990. Il a constaté que les naissances variaient selon les mois (le pic se situant entre juin et octobre) avec de 1600 à 2400 naissances quotidiennes, la moyenne se situant à 2106 par jour alors que la moyenne des jours de pleine Lune se situe à 2109. Autant dire un écart plus qu’insignifiant si on le répartit sur toutes les maternités de France.


Oups ! 

Alors comment expliquer que certaines sages-femmes ou infirmières sont parfois persuadées de la réalité du « boom » de naissances lors de la pleine Lune ? Eh bien parce que notre cerveau est à la fois complexe et paresseux. Son incroyable sophistication le pousse à trouver des explications partout, même là où il n’y en a pas. Quand il trouve un lien apparent entre deux événements, il a tendance à en rester là sans chercher plus loin, ce qui explique en partie les épidémies de théories du complot basées sur des explications simples de phénomènes complexes. Pour faire simple, mettons-nous à la place d’une infirmière ou d’un infirmier travaillant en maternité : comme chacun sait, les enfants à naître ne se téléphonent pas pour organiser le planning de la maternité de leur ville. Résultat, certains jours sont calmes et d’autres voient arriver des tas de bébés pressés de voir le jour. Ces jours intenses ne resteront pas dans la mémoire du personnel s’ils interviennent à un moment quelconque du calendrier mais si quelqu’un s’aperçoit que le « coup de feu » a eu lieu un jour de pleine Lune ou approchant, le lien sera créé et définitivement mémorisé, entretenant une croyance qui n’a aucune base statistique.

Ce mythe tire sans doute son origine d'une association avec le sexe féminin, elle-même probablement basée sur une analogie rapide entre le cycle lunaire et le cycle menstruel de la femme, qui pourtant ne s'accordent pas : le cycle lunaire dure 29,5 jours alors que le cycle menstruel féminin varie, en fait de 21 à 35 jours. Seuls les cycles obtenus sous pilule durent en fait les 28 jours officiels.


La Lune fait-elle déteindre les textiles ?
Ma grand-mère m’a toujours dit de ne pas étendre de linge les soirs de pleine Lune car, disait-elle, les rayons de Lune attaquent le linge. De nombreuses personnes m’ont confirmé avoir entendu ce genre d’affirmation.

Chacun sait que la lumière du soleil possède un fort pouvoir décolorant dû à la formidable décharge d’énergie que cet astre nous dispense chaque jour. Nous ne pouvons pas regarder le soleil en face malgré nos pupilles à géométrie variable alors que la pleine Lune se laisse regarder sans problème, les pupilles dilatées. 
Chacun sait que la Lune ne fait que refléter la lumière du soleil. J’ai demandé à nouveau à mon ami Bernard, ingénieur spécialisé en optique ce qu’il en pensait. Ça tombait bien, Bernard avait fait une série de mesures avec des instruments optiques pour comparer la différence de rayonnement entre le Soleil et la Lune, il en est arrivé à la stupéfiante conclusion que le rapport d’éclat Lune/Soleil est de 1 pour 400 000 !

 Bernard est toujours dans le Lune !

Comment voulez-vous que cette malheureuse Lune qui dispense si peu d’énergie puisse approcher, même de très loin le pouvoir décolorant du Soleil ? Là, j’ai pensé qu’il devait y avoir quelque chose de chimique et j’ai fini par trouver une piste éventuelle :

L'eau liquide est effectivement beaucoup plus présente la nuit que le jour au niveau du sol : la capacité de l'air à contenir de l'eau sous forme gazeuse diminue avec la température. À la tombée du jour, le sol réchauffé par le Soleil de la journée, se met à rayonner dans l'espace la chaleur accumulée et ainsi se refroidit ; à son contact les basses couches de l'atmosphère voient leur température baisser et deviennent ainsi saturées en vapeur d'eau ; cette eau se condense sous forme de gouttelettes à la surface du sol : la rosée.   Il y a d'autant plus de rosée que le sol est peu conducteur de la chaleur (comme l'herbe), et qu'une grande amplitude thermique sépare le jour  de la nuit, comme  lors des périodes de printemps sans nuage où  les jours ensoleillés sont particulièrement doux mais les nuits claires restent plutôt frisquettes. Justement, si l’on observe le ciel ces nuits-là, on la voit la Lune, ce bouc émissaire si pratique !
Or, les basses couches de l'atmosphère contiennent un peu d'ozone (O3) au niveau du sol. Ces molécules sont photodissociées de jour, c'est-à-dire détruites par la lumière issue du Soleil. Cette destruction donnant naissance à un certain nombre de radicaux, sortes de molécules chimiques avortées qui sont en équilibre avec le flux lumineux (autant de molécules d'ozone sont cassées que de radicaux qui se recombinent en ozone). Parmi ces radicaux libres, le peroxyde d'hydrogène (H2O2),  quand il se retrouve en solution dans l'eau, n'est pas détruit aussi rapidement qu'il est fabriqué : le soir, tandis que la nuit tombe et que la température chute, il subsiste du peroxyde d'hydrogène dans l'air. Les gouttelettes de rosée vont pouvoir dissoudre ce composé pour former de l'eau oxygénée au pouvoir oxydant et décolorant bien connu (blanchiment de la pâte à papier ou des cheveux...). Cette substance va ainsi agir chimiquement sur le linge abandonné là, à la grande surprise de la ménagère le matin venu.
Ce phénomène peut aussi survenir dans des lieux fermés et mal ventilés qui connaissent de grosses variations de température et une forte concentration d'ozone due à la présence de tubes au néon, par exemple, des vitrines de magasins.
peroxyde d'hydrogène 

Ainsi ce pouvoir décolorant nocturne serait faussement attribué à la Lune et ne serait autre que le résultat d'un processus chimique de décomposition de l'ozone le jour, dont les produits engendrent de l'eau oxygénée dans l'humidité nocturne qui se dépose à la surface du sol, et sur le linge étendu au grand air.
Ce type de réaction chimique me paraît cependant assez rare, ayant besoin de conditions très particulières pour se réaliser. Les nombreuses personnes faisant état de décolorations intempestives ne seraient donc que les relais de légendes  domestiques maintes fois colportées, jamais vérifiées...

La pleine Lune agit-t-elle sur les personnes atteintes de troubles psychiatriques ?

La pleine Lune rend fou, c’est bien connu. Mais a-t-on fait des études concernant ce problème ? Eh bien oui, là aussi ! Je ne vous en citerai que quelques-unes effectuées ces derniers temps :
·        Une étude menée à la fin des années 70 auprès d’hospitalisés chroniques et sur une durée de 5 années, ne montre aucun lien entre phases d’agitation et phases de la lune (Fitzhugh et al., 1980).
·        L’étude des enregistrements du suivi des patients d’un hôpital psychiatrique entre 1982 et 1984 n’a montré aucun lien significatif entre passages à l’acte et pleine Lune (Durm et al., 1986).
·        Une enquête sur la relation entre phase de la Lune et 364 comportements perturbés et violents dus à des problèmes psychiatriques ne montre aucune relation Lune/passage à l’acte (Little et al., 1987).
Ces assertions concernant le rapport entre les maladies mentales et la pleine Lune ne seraient-elles pas à l'origine des légendes sur la lycanthropie ?


D’autres études portant sur les admissions en hôpital psychiatrique n’ont pas montré de rapport visible entre la pleine Lune et l’internement de patients. 
Et pourtant… aussi bizarre que cela paraisse, les chiffres d’hospitalisations sur demande d’un tiers (par la famille)  montrent une légère augmentation lors des périodes de pleine Lune alors que les hospitalisations d’office (sur demande des autorités) ne semblent pas varier en fonction des phases de notre astre.
Je ne vois qu’une explication : Il n’est pas absurde de penser que les craintes des familles et proches, souvent à l’origine de la procédure d’hospitalisation, voire leurs croyances à un « Effet Pleine Lune », soient à l’origine de ce fait. Nous voilà avec la question de l’influence de l’entourage sur les personnes souffrant de maladie mentale.
Il est à noter que le même type d’études sur les rapports épilepsie-pleine Lune ont été réalisées avec le même genre de résultats.

La pleine Lune rend-elle insomniaque ?
On entend parfois : « En général, je dors moins bien les soirs de pleine Lune, la preuve la semaine dernière c'était la pleine Lune et j'ai passé une sale nuit ».
Mais si vous dormez mal une nuit qui ne correspond pas à la pleine Lune, vous négligerez cette observation. Pourtant il existe un moyen très simple de vous convaincre que vous n'êtes pas lycanthrope. Notez sur un calendrier, aussi objectivement que possible, les nuits au sommeil agité. Vous verrez qu'elles ne sont pas corrélées au cycle lunaire. Cela dit, cette expérience ne fonctionne pas si vous vous êtes déjà persuadé que vous ne dormirez pas les nuits de pleine Lune car il suffit d’avoir peur de mal dormir pour effectivement mal dormir…


On entre ici dans le domaine des prophéties auto-réalisatrices. Jean-François Staszak en propose la définition suivante : « Une prophétie auto-réalisatrice est une assertion qui induit des comportements de nature à la valider ». La prophétie porte en elle-même les moyens de sa confirmation. 
En gros, c’est parce que vous êtes persuadé que vous allez mal dormir que vous dormez mal !

En guise de conclusion
Les derniers paragraphes de ce billet mettent en évidence le fait que l'on a affaire avant tout à un ensemble de phénomènes psychologiques dont personne ne peut se prétendre à l'abri. Le mot clé est croyances
Le formidable besoin de croire est une des composantes de la psychologie humaine tout comme son sens de la curiosité et sa soif de comprendre.
Cette complexité pétrie de paradoxes est le prix à payer pour l'animal intelligent que nous sommes.

Je terminerai ce long  texte en remerciant d'abord ceux qui ont eu la curiosité d'aller jusqu'au bout et en citant le Mahatma Gandhi :
 
« Ce n’est pas parce que l’erreur se colporte qu’elle devient vérité.»


 
Le Lutin est même allé enquêter sur la Lune ! 
 
 
Mise à jour mars 2021

7 commentaires:

  1. J'ai pas tout lu mais je suis surtout très content du retour du blog du lutin .
    Je m'en vais de ce pas le crier sur FaceBook

    Domi

    RépondreSupprimer
  2. Yessss notre Lutin is back !! On t'aime !!!! :-)))

    RépondreSupprimer
  3. mamlutin a dit.........

    Oh quelle longue absence, je n'avais plus rien à lire, ouf! me voilà sauvée.

    RépondreSupprimer
  4. ... on va finir par croire aux Lutins ;-)

    RépondreSupprimer
  5. ouf, j'ai cru devenir stupide tout ce temps là, passé sans ta sainte réflexion... et la force de gravitation, ça marche entre deux judoka?

    RépondreSupprimer
  6. enfin te r'vla.. tu me manquer. bisous

    RépondreSupprimer
  7. Ouais... En attendant, tu profites lâchement d'une nuit de pleine lune pour réactiver ton blog... C'est un signe... ;-)))

    RépondreSupprimer

Merci de passer le test de vérification de mots pour m'indiquer que vous n'êtes pas un robot.