samedi 9 octobre 2010

Nous n'irons plus au bois


Nous n'irons plus au bois,
Les lauriers sont coupés,
La belle que voilà
Ira les ramasser

Entrez dans la danse,
Voyez, comme on danse,
Sautez, dansez,
Embrassez qui vous voudrez.
 
En voilà une comptine qu'elle est jolie ! J'imagine bien quelques mignonnes petites filles en jupe plissée qui se tiennent par la main, faisant une ronde en chantant cette chanson d'un air innocent.

 Malheureuses ! Cessez tout de suite de chanter ce texte paillard aux allusions égrillardes !

Explication:

Cette chanson, sous différentes versions (attestée aux XVème et XVIIème siècle), est très ancienne. Son origine la plus lointaine vient d'une décision de notre bon Louis IX plus connu sous le pseudo de St Louis.


Le gars était plutôt porté sur les bondieuseries et, même s'il ne cherchait pas  à bâcher les femmes comme certains de nos contemporains, ça le gênait aux entournures de voir des femmes se prostituer à deux pas de chez lui dans divers établissements de la bonne ville de Paris.

Ces maisons de passe étaient souvent de vulgaires et insalubres baraques en planches ; or le mot planche se disait "bord" en germain, ce qui par extension donna en ancien français le terme "borde" dès le XIIème siècle, ce qui signifiait "baraque".

Voilà pourquoi l'on nomma "bordel" les établissements où l'on pratiquait l'intromission et l'aspiration à divers niveaux et, pour les distinguer des autres baraques où l'on pratiquait d'autres activités plus licites, on y suspendait une branche de laurier au-dessus de la porte.


Mais voilà, le Louis qui n'était pas encore Saint, ça le dérangeait tout ce stupre, alors il fit interdire ces horribles lieux de débauche par un édit de 1254.

C'est ainsi que l'on vit apparaître la version primitive (aujourd'hui disparue) de la chanson dont le sens s'éclaire sous un nouveau jour  (version du XVIIème siècle ) :

Nous n'irons plus aux bois (baraque en bois= bordel)
Les lauriers sont coupés... (interdits)

Quant à la belle que voilà, on voit bien quel est son métier...

Entrez dans la danse,
Voyez, comme on danse,
Sautez, dansez,
(note : au XXème, "sautez" est remplacé par un deuxième "dansez")
Embrassez qui vous voudrez.

En ce qui concerne le refrain, ai-je besoin de vous faire un dessin ?


Finalement, le bon roi devant une levée de boucliers générale (et pas que de boucliers), va faire marche arrière et révoquer son édit puis autoriser à nouveau la prostitution en limitant le commerce des aimables dames à certains quartiers de la ville.

Louis IX était un bon administrateur et il avait finalement compris que la politique ce n'était pas tout régenter mais gérer rationnellement le bordel ambiant.


Note : Alain Baraton dans son ouvrage "L'amour à Versailles" date la chanson de l'époque de Louis XIV. Il s'agit en fait d'une résurgence de la chanson face à l'interdiction de la prostitution dans les bois de Versailles. Lui ayant signalé, j'ai reçu une aimable réponse de remerciement de sa part. 

1 commentaire:

  1. Critique de littérature3 mai 2011 à 18:08

    Merci pour ce site très intéressant!

    Pourriez-vous indiquer une source pour votre version de la genèse de la chanson? Je voudrais la citer dans un travail de recherche.

    Merci beaucoup

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