jeudi 23 décembre 2010

Merci Père Noël

Avertissement


Ce billet entaché de mauvaise foi lutinesque est déconseillé aux âmes pures et sensibles.
En plus, ce billet n'est même pas marrant, alors vous avez raison de passer votre chemin.
  

Merci Père Noël de ne pas exister


Enfant, j'avais un travers assez courant chez les mioches, je croyais les adultes sans restriction. Donc, pour moi, le Père Noël existait bel et bien puisque les adultes affirmaient qu'il visitait les foyers chaque soir de Noël.

Cela dit, le jour où il fallut que je m'asseye sur ses genoux devant le Prisunic d'Alençon un soir de décembre 1959, je n'en menais pas large. Sur la photo noir et blanc qui fut faite à l'occasion, je m'en souviens encore, mes grands yeux noirs (j'ai bien changé) reflètent plus que de la perplexité. Serait-ce de la méfiance ? 

J'ai remarqué que jusqu'à un certain âge, les enfants se méfient du gros bonhomme rouge, et je pense que c'est l'instinct qui parle. Plus tard, vers quatre ans, les gosses (certainement formatés par un ou deux ans d'école) deviennent de meilleurs consommateurs et se mettent à apprécier le symbole de la société consumériste qu'est le Père Noël.


Doté d'une mémoire anormale (une vraie malédiction), je me souviens encore de ces soirées de Noël lors desquelles l'attente des cadeaux me mettait en transes. Nous mangions généralement en famille et je me mettais assez rapidement à sommeiller la tête sur les genoux de ma mère. Mon esprit était obnubilé par ces cadeaux que je devais découvrir en me réveillant le lendemain matin. J'apprenais l'avidité. 
Même si, à cette époque, les enfants n'avaient pas autant de cadeaux, la situation de mon père en Indochine puis en Algérie permettait à mes parents d'avoir les moyens de me payer autre chose que des oranges. 
J'adorais les armes et je me souviens d'arcs, de carabines à flèches et même d'une winchester à amorces qui évacuait ses douilles en plastique quand on la réarmait comme le faisait Steve McQueen dans "Au nom de la Loi". 
Bizarrement, à partir du moment où j'ai découvert la sexualité, je me suis totalement désintéressé des armes. Je me demande bien pourquoi...


Le temps passa et je rentrai enfin à l'école. Ce fut  à une époque troublée que j'appris que le Père Noël n'existait pas. On était à la fin de la guerre d'Algérie et personne ne semblait plus croire à la magie. Je me souviens à cette époque de patrouilles armées circulant dans la ville d'Alençon et saluant mon père alors que nous allions manger chez ma grand-mère.

Cette révélation de la non-existence d'un personnage dont la véracité était pourtant attestée par les adultes qui étaient pour moi des êtres parfaits fut un choc. Je me suis senti floué. On m'avait menti; ceux-là mêmes qui m'avaient, à juste titre, inculqué la détestation du mensonge. J'étais vexé et humilié rétrospectivement à l'idée de mon attitude naïve et crédule face à des adultes attendris et complices. 

Mes facultés d'analyse encore réduites ne me permettaient pas de mettre des mots là-dessus mais un sentiment diffus s'était installé : je m'étais fait avoir. Le Père Noël n'existait pas et je m'étais assis sur les genoux de n'importe qui. Ça fiche la trouille...


La machine sociale étant bien huilée, ce fut à cette époque que je commençais à suivre les cours de catéchisme. Le Père Noël était censé servir d'école maternelle de la croyance ; il était ensuite relayé par la religion. Je suis né dans une société cohérente.

Pour moi, cela a marché. Je me suis mis à croire à nouveau à tout ce que l'on me disait, ignorant que la mort symbolique du Père Noël avait semé dans mes neurones la graine délétère de ce qui allait me mener jusqu'à (horreur !) l'athéisme.

Ce fut à l'âge de quatorze ans, à l'occasion du décès de mon père, que je me suis mis à me poser des questions plus précises sur la vie après la mort, le Paradis, l'Enfer et tout le tintouin. Et là, quelle ne fut pas ma stupéfaction de constater que les adultes n'avaient pas d'idées bien arrêtées là-dessus. Si ça se trouve, les anges et les nuages c'était du flan !

A ce moment précis, le Père Noël et sa supercherie vinrent à mon secours.  La graine du doute avait fini par germer après toutes ces années. Je réalisai qu'on s'était une fois de plus moqué de moi. L'édifice s'effondra brutalement.

S'il n'y avait pas déjà eu l'affaire du Père Noël, je me serais accommodé de la croyance bancale et diffuse commune à la majorité de mon entourage, mais cette deuxième trahison fut la goutte d'eau qui fit déborder le bénitier. Je devins un adolescent perturbé et imprévisible et je décidai de me laisser pousser les cheveux. On était en 1970.


Un éclair de lucidité fit que je n'en voulus absolument pas à mes parents. Ils n'étaient pas responsables mais plutôt victimes du système

J'ai quitté l'adolescence aux alentours de trente ans. Mes merveilleux enfants m'ont beaucoup aidé pour ce faire. Je n'ai jamais eu le cœur de leur mentir pour quoi que ce soit, même si la vérité est parfois cruelle. Ils n'ont donc jamais cru au Père Noël et ne s'en sont pas trop plaints. Ils ont, bien sûr, eu droit à la lecture de nombreux contes de Noël dès leur plus jeune âge. Ils savaient simplement qu'il s'agissait de fiction. 

Cela ne les a pas empêchés d'avoir des beaux Noëls  car je n'ai jamais été sectaire et il serait stupide de rejeter ce qu'il y a de bon chez les autres sous prétexte qu'on ne partage pas leurs idées.

Quant au Père Noël, je ne lui en voulus pas car il m'avait permis de comprendre que quitter l'enfance c'était avant tout penser par soi-même. C'est pourquoi je lui dis : Merci Père Noël !
 

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