Le début de la fin ?
Je m’étais juré lors du dernier cross de la saison précédente de m’inscrire
enfin aux cross courts et j’ai tenu parole.
Pour les malheureux qui n’ont
pas encore expérimenté la chose, le cross c’est : à bloc, à bloc, à fond
puis vomi. Et cela pendant trois tours pour le cross long (7,5 à 9 km) et deux
tours pour le cross court (5 à 6 km).
Depuis deux saisons, je n’arrivais
plus à gérer trois tours à fond et, suprême humiliation, j’étais obligé d’effectuer
le premier tour à vitesse modérée pour espérer finir mon cross avec une apparence
humaine. Ça ne pouvait plus durer, gérer raisonnablement ma course pour
terminer dans le dernier tiers avec l’air de celui qui a atteint la sagesse et
qui court pour la beauté du sport, ce n’est pas Lutin. Donc, cross court : à bloc, à bloc, à
fond puis vomi et on se rince la bouche avec du vin chaud, ça c’est du cross !
Il me reste trois saisons à faire en V2 et j’vais pas m’gêner !
J’aurais bien aimé, pour
ce cross de Rânes, faire le récit de la course de mes deux nouvelles recrues
féminines, Cathy et Germaine, mais les choses ne se passent pas toujours comme j’aimerais
les calculer. Cathy, la presque petite sœur, a eu un gros coup de fatigue et
elle n’est pas présente. Quant à ma cousine Germaine, elle a eu un gros coup de
mou et elle n’est pas en mesure de mettre le feu à l’herbe, assurant quand même
une courageuse sixième place féminine (sur 52). Ce sont Véro l’inatteignable et
ma Ricounette qui dirigent la course de
bout en bout, fortes de leur inappréciable expérience.
L’expérience, c’est le mot
qui me vient à l’esprit quand je m’aligne dans le peloton composé de 62
crossmen. A part deux juniors, il n’est composé que de coureurs de plus de 50
ans. Vieux ou pas, dès le départ donné,
le groupe de tête met le feu et je me
retrouve déjà avec l’estomac au niveau de la glotte. Essayant de me maintenir
dans les dix premiers, je me retrouve bientôt derrière Pierre que je vais
poursuivre tout le cross sans jamais l’approcher suffisamment pour lui bouffer
les crampons.
La première remontée vers
les tribunes met les pendules à l’heure et le groupe de tête se distend,
mettant chacun à sa place. Michel, membre de mon club, me passe et je cours un
moment derrière lui avant qu’il ne passe devant Pierre que je poursuis toujours
vainement. Rémy, du club des pompiers, me passe aussi mais il n’arrive pas à me
distancer suffisamment. Le cross m’a appris qu’il ne faut jamais laisser dix
mètres d’avance à celui que l’on veut poutrer. Je double Rémy et il me repasse,
ça ne fait pas un pli ! C’est dans ces moments qu’il faut en avoir sous la
semelle et c’est à toute vapeur que je profite de la première descente du
deuxième tour pour plier la chose et enfin tenir Rémy à distance.
En ce jour de météo
atroce, ma course se déroule sous un presque soleil, et j’apprécie l’ambiance :
je m’amuse à courir avec des petits camarades de mon âge, le parcours est trop
court et je vais trop vite pour pouvoir gamberger. Les boyaux de la tête, voilà
mon ennemi. Je cours le plus vite possible sans me poser de questions, laissant
s'exprimer l’animal inconscient de son âge qui sommeille à peine en moi. Un corps qui
court, loin des interrogations dérisoires de nos êtres trop civilisés ;
voilà ce que le cross me donne à ressentir. Si je reste dans cet état d’esprit,
je devrais pouvoir atteindre mon objectif : rester dans le top 10 de la
course des croulants.
A propos de croulants, il
y en a un qui m’en fait une bonne ; un gars m’interpelle et me dit : « Vas-y,
t’es sur le podium V3, il n’y en a que deux devant toi ! »
Merdre ! Il va
vraiment falloir que je me fasse teindre les tifs si on me prend pour un plus
de soixante ans … Je réponds à l’impudent qu’il me reste trois années à
effectuer en catégorie V2 et que si j’ai l’air si vieux, c’est certainement
parce qu’il a une mauvaise vue, ce qui se conçoit à nos âges. Non mais !
Le premier, Bernard, arrive presque deux minutes avant moi suivi
par le plus véloce des deux juniors.
Je termine les 5,1 km à la place de 9ème
sur 62 en 22’44 à 13,5 de moyenne. Ce sera peut-être mon meilleur
classement de la saison car il manque un ou deux cadors dans le peloton. Je fête cela avec quelques
(petits) verres de vin chaud suivis par quelques parts de gâteau arrosées à la
bière.
Je ne boude pas mon
plaisir même s’il m’a fallu me rendre à l’évidence : je suis à ma place, c'est-à-dire
chez les vieux coureurs qui galopent joyeusement en attendant la mort. Mais
bon, on se marre bien dans les cimetières à ce que je vois, et c’est le
principal.
"les vieux coureurs qui galopent joyeusement en attendant la mort."
RépondreSupprimerC'est frais, c'est gai, c'est optimiste, on en redemande.
Y'a une de ces ambiances par ici !
Allez, à très tobien.
Alain