jeudi 1 octobre 2015

Traversée des Aiguilles 2015

Homme ou lutin, chacun pense un jour à sa fin mais personne ne souhaite qu'elle survienne ici et maintenant. Ce dimanche 27 septembre, un homme de ma génération a perdu la vie lors de cette épreuve sportive pourtant largement à la portée de ce sexagénaire habitué des courses de montagne. Chaque concurrent a porté à ce moment une part de deuil, c'est aussi cela la fraternité du sport. Je ne puis parler pour cet homme et encore moins pour sa famille qui est dans la peine ; je ne puis parler que pour moi et ainsi exprimer mon point de vue quant à ma propre disparition : je préfère cent fois casser ma pipe lors d'un marathon ou d'un trail plutôt que de finir longuement dans un lit comme l'ont fait trop de membres de ma famille. Si un jour cela m'arrive (pas tout de suite...) j'aime à penser que mes proches et amis, une fois le choc passé, avec un léger sourire aux lèvres, penseront que c'est bien ainsi et que je suis parti en faisant ce que j'aime ; peut-être même qu'un lutin plus jeune sera là pour dire que je leur ai finalement fait une sacrée farce... Valar Morghulis.

 Lachaup 25-09-2015

Le Lutin fait le chat aux Aiguilles


Allier un weekend Kikouroù avec une compétition, en voilà une idée qu'elle est bonne ! Ouais mais le problème, c'est que je n'ai pas l'habitude de courir en montagne et que c'est la première fois que je cours dans les Alpes. Qu'à cela ne tienne, je vais chèrement défendre mon bifteck en bon lutin que je suis et, parmi mes huit camarades, si je peux en poutrer quelques-uns, je ne vais pas me faire prier. Yes, à part ça j'ai couru un marathon la semaine d'avant et je suis le plus âgé du groupe exception faite de mon Mustang. 

On doit être moins de 140 au départ, ça sent la course au saucisson et c'est ce que je préfère mais je prends vraiment au sérieux les murs qui s'érigent en face. Anyah, Mustang, François 91410,Blob, Eric Kb, Mickey49, Namtar et le boss Mathias sont avec moi sur la ligne de départ. Je regarde autour de moi et je ne vois que de la viande profilée et jeune de surcroît. Les vioques sont peu nombreux et les gens ont l'air au courant du fait qu'on va se manger du dénivelé à la pelle à tarte.

 Incroyable ! Dès le début, même sur le plat, je ne dépasse jamais le 10km/h. Hormis Mustang, François et Mickey, les Kikous sont devant moi, surtout Mathias l'infernal nain barbu et vorace qui terminera onzième de la course en 1h46min. Pfff, trop facile quand on a vingt ans de moins...


Tiens, un Blob à poutrer...

Boudiou, ça caillasse et ça grimpe dans le coin, cependant, j'arrive à gérer correctement les montées du début que je qualifierais de faux-plats vu ce qui nous attend par la suite. Euh... on passe par où maintenant ? 


 Ben, on va dré dans l'pentu de Diou ! Au bout de 12 min de course commence la première côte qui va durer plus de deux km sur laquelle je vais faire des vitesses allant de deux à quatre km/h. Sur la fin, la pente est tellement raide que tout le monde est plié en deux de peur de tomber en arrière. A ma grande stupéfaction, alors que je ne suis entouré que de locaux, c'est à dire d'hommes-chèvres habitués à la montagne, je me mets à doubler !!! Si. Adoptant une marche en zigzag, je me permets de passer cinq ou six montagnards, m'épatant moi-même.


Sur la fin de ce monstre, je rejoins le Namtar et sa casquette rouge. Le gars a bien une vingtaine d'années de moins que moi et ça va être un plaisir de le laisser scotché à la pente. Mais le gamin n'a pas dit son dernier mot...


Première longue descente. Le marathon de dimanche dernier me signale que c'est point l'moment d'faire le lutin. Je suis donc obligé de descendre au maximum à douze à l'heure si je ne veux pas voir mes cuisses prendre la texture de mon divertisseur qui, à ce moment, est d'une discrétion presque millimétrique. 

Les paysages sont fabuleux et j'en jouis cependant sans m'épandre ou me répandre, ce qui ne m'est pas coutumier. Pas une chute malgré un terrain parfois à la limite du piégeux.


Au pied de la Crête des Aiguilles, je retrouve Namtar l'impertinent apprenti impétrant qui m'a lâchement dépassé dans la descente un sourire narquois aux lèvres. La montée se termine par un pierrier et je me contente de suivre l'insolent de loin, préférant admirer le merveilleux paysage alpin.

 C'est beau la nature.

Arrivé en haut, je laisse filer le gamin et m'assois pour relacer mes pompes car, après la montée à trois à l'heure sur de la caillasse que je viens d'effectuer, je me dis qu'il est temps de sérieusement arrimer mes pinceaux si je veux garder des chevilles en état de marche pour la suite.

 
... Et c'est la grande descente dans des paysages rappelant parfois la Mongolie intérieure que j'ai bien connue à l'époque lointaine où je servais d'assistant au Professeur Jones. J'ai les cuisses qui couinent et je perds du terrain sur les descendeurs pourvus de bâtons. Là, je ne suis pas au top de l'équipement mais il m'était impossible de concilier bâtons et appareil photo et je ne regrette pas la centaine de clichés effectués au détriment passager de mes jambons et de ma perf.


Rhââââ, c'est carrément magique ce coin ! La pente devenant plus douce, je retrouve du rythme et me mets à accélérer petit à petit.

  
Soudain, j'aperçois la casquette du Namtar et ça tombe bien car j'en ai encore sous le pied. Le garnement, je ne pense plus qu'à le poutrer ; il me reste moins de six km pour ce faire.

 Photo Mme Namtar (made in Switzerland)

Appliquant la technique maintes fois éprouvée consistant à courir dans les dernières montées pour casser le moral de mes concurrents, même si j'en bave, je finis ma course en 2h26min52" (2ème kikou, yes !) et laisse le Namtar à seize énormes secondes derrière moi. A l'arrivée, je l'empêche de se suicider en avalant une boîte entière de chocolats suisses et le rassure comme je peux, ce qui lui redonne finalement le sourire.
 
Merci Sandra pour le cliché


Voilà mon récit, j'espère qu'il vous aura fait sourire et que vous pardonnerez mes bouffonneries qui pourraient sembler déplacées face au décès d'un concurrent mais, voyez-vous, à l'instar de Pierre Desproges pour qui j'ai une certaine affection, face à la mort, je n'ai jamais trouvé d'arme autre que l'humour.

 Col du Noyer 25-09-2015

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