vendredi 21 avril 2017

Un aimant qui a bonne mine


Si je compte bien, cela fait quarante-trois ans que je fréquente la maison. Cette table de salle à manger, je l'ai bien souvent vue encombrée d'une machine à coudre Singer. Une belle-mère couturière, on ne sait pas à quel point ça peut être utile... 

Au moment d'épingler les ourlets avant la coupe du bas de mes pantalons, Cécile sort toujours la même boîte en fer qui contient le même aimant bien pratique pour faire le ménage après l'ouvrage. Une couturière, ça sème beaucoup et quand on est maman de cinq enfants puis nourrice à domicile, on ne peut pas se permettre de laisser des aiguilles sur le parquet.

"Tu ne sais pas d'où il est venu celui-là ?
- Ben non, je l'ai toujours vu dans votre boîte..."
Et elle me raconte.

En août 1944, ça avait bien tapé  en forêt d'Ecouves avant que les Allemands ne lâchent prise, laissant du matériel et tout un tas de munitions dans différents endroits. Perchés aux Montgommeries tout en haut de la montagne à près de 400 mètres d'altitude, Cécile et ses cinq frères et sœurs menaient une vie normale d'enfants ou d'adolescents de l'époque. Enfin, presque normale, c'était la guerre quand même.

A l'époque, les gamins n'avaient pas constamment le fil à la patte comme actuellement et ils jouissaient d'une liberté qu'on n'ose à peine imaginer. Une sacrée liberté pour apprendre la vie et aussi faire des bêtises.

Le petit Roger avait treize ans et il était déjà bien adroit. Il avait découvert un stock de mines anti-char allemandes de modèle Hafthohlladung. Ces mines pouvant percer 14 cm de blindage se posaient à la main sur les chars et étaient déclenchées par un détonateur à friction retard. Le pauvre bidasse qui avait réussi à poser la mine sur le blindé ennemi sans se faire écraser ni mitrailler avait ensuite 7,5 secondes pour prendre la poudre d'escampette. C'était rock and roll !


Or, ces mines, pour rester fixées aux chars, étaient pourvues de trois puissants aimants parallélépipédiques à la base comme on peut le voir sur cette photo :


Qui n'a pas été émerveillé dans son enfance par les propriétés magiques du magnétisme ? Le petit Roger n'a pas mis de temps à trouver comment démonter les aimants de ces mines et, comme il avait constitué un stock, il en a distribué autour de lui. Je ne pense pas que ses parents en connaissaient la provenance, ses frères et sœurs, si. 

Comme on a l'esprit pratique en Ecouves, chacun a trouvé une fonction à son aimant. Pour Cécile la couturière, ce fut "ramasse-aiguilles". Voilà comment un morceau de métal aimanté peut nous faire voyager dans le temps et l'Histoire...




Merci au forum "Les aigles verts" pour les renseignements sur les mines.




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