mercredi 17 mai 2017

No Finish Line © Paris 2017 (24h00)

Ode aux hamsters

Qui sont tous ces hamsters tournant comme des derviches ?
Sont-ils vraiment pervers ou sont-ce des fortiches ?
Plutôt que d'arpenter le doux Mont de Vénus,
Le Champ de Mars ils foulent, à se ruiner l'anus.

Ils partent au matin le cœur en bandoulière,
Ignorant le Destin, ils en sont vraiment fiers,
Ils galopent, ils hennissent, il faut vraiment les voir,
De Mercure filles et fils pleins d'esprit, pleins d'espoir.

Pour les petits enfants, ils s'enfoncent dans la nuit,
S'arrêtant simplement pour lâcher du pipi
Ou prosaïquement faire une commission
La fatigue arrivant, ils ont l'air moins champions.

Ils cheminent aux aurores pâles, hâves et bien fourbus,
Mal aux pieds, mal au corps, la tête dans le cul
Puis, dans un grand sursaut, à demi vomissant,
Ils finissent, et c'est beau, toujours en souriant.

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Je suis maso, je suis maso, je suis débile ; l'année dernière, j'avais fait mon Findus 71 à la No Finish Line 2016, frisant l'abandon par hypothermie et je réitère, je récidive, je remets le couvert. N'ayant effectué que 107 km mi-courant, mi-rampant, je me suis cependant dit qu'il était préférable de changer mon fusil d'épaule et de parcourir ce 24H en marche nordique, décision qui enthousiasma ma Josette qui m'initia, entre autres, au planter de bâton.

Mon épouse, ayant bouclé son marathon pour son entrée en V2 à Paris en 2007, s'est dit que pour sa première année en V3, ce serait une bonne idée de parcourir en marche nordique une distance un peu supérieure pour marquer le coup, allez, soyons fous... 50 km ! Et d'emmener dans l'aventure mon toujours aussi solide Mustang et la copine Nordic Annick, fine technicienne du bâton et camarade au cœur d'or. Comme Kikouroù, c'est pas fait pour les teckels, nous descendons chez mon François avec qui j'avais fait le zombie l'année précédente.

Mustang, François, Annick, Josette, un vieux lutin
Photo Muriel

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Champ de Mars, il est bientôt dix heures... nous sommes rejoints par Katia qui est totalement novice dans ce genre d'épreuve et mon petit Namtar que j'avais si gentiment piétiné en 2015. Nous nous concentrons sur les 24h à venir dans une saine ambiance d'entraide et de camaraderie, loin du délétère esprit de compétition qui règne trop souvent dans les stades :

 Mustang, Lutin, Namtar, Katia
Photo François

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Marche et rêve 
1ère partie

Annick, redoutable marcheuse, ne se ressent pas de ses 700 bornes de rando en un mois terminées il y a à peine deux semaines, elle part à sept à l'heure avec son caractéristique ample mouvement de bâton. Je reste avec Josette qui pense au début que je me retiens alors qu'en fait, je fais des efforts pour la suivre. Je ne suis pas moniteur de marche nordique, moi ! Juste un vieil arpenteur de bitume venu au long sur le tard, un routard perdu chez les extra-terrestres.


Nous étions convenus de nous ravitailler tous les quatre tours à savoir 5,2 km, ce qui sera toujours respecté. Comme à l'accoutumée, l'ambiance est d'abord souriante et conviviale. Certains courent en permanence comme Stéphanos qui vole déjà vers la victoire, d'autres alternent sagement marche et course. Plus rares sont les marcheurs intégraux comme Mico34 et nous. Quelques-uns se sont essayés aux bâtons avec plus ou moins de technique.

Au bout de 22 km, gros arrêt. Il fait chaud, il faut se changer et avaler un casse-croûte.


Prudents, nous avons emporté dans nos bagages de quoi faire deux vrais repas. Comme disait mon grand-père Raymond, on a eu le nez creux car le ravito, pléthorique l'année précédente, ressemblait maintenant à celui d'un trail de 50 km et non à ce qu'on pourrait attendre d'une épreuve de longue haleine. Et je ne parle pas de l'absence de bière à l'arrivée, sacrilège !

Trois quarts d'heure d'arrêt et c'est la chenille qui redémarre.

Avec Mickey 49

Nous sommes sur des moyennes de 5,3 à 5,7 km/h de moyenne arrêts courts compris, ce qui fait un rythme de 6 à 6,5 km/h en général. Josette affiche une endurance supérieure à la mienne, pour preuve son absence de passages à vide durant toute l'épreuve contrairement à son lutin de mari qui alterne coups de mou et coups de mieux. Mon épouse qui pensait au début que je l'attendais doit se rendre à l'évidence, si j'ai parfois quelques mètres de retard, ce n'est pas par galanterie. Et la chose ne s'arrange pas quand Josette est rejointe par Annick qui l'entraîne dans son rythme effréné.


 INTERLUDE :
La vie des hamsters kikous


Le hamster est à la fois solitaire et solidaire. Le hamster sait que la souffrance finit toujours par s'installer et il sait qu'on doit l'affronter seul tout en n'oubliant pas de saluer les autres et répondre aux sollicitations. Hamster d'un jour et membre de Kikouroù depuis dix ans, je communique régulièrement avec une partie des 69 Kikous présents sur le Champ de Mars. Les Kikous, c'est Stéphanos qui n'oublie jamais de m'encourager du haut de ses 191 km parcourus, c'est Marathon-Yann qui me dit qu'il s'est inscrit après avoir lu mon récit 2016 ainsi que celui de Mustang, c'est Bérénice et d'autres qui me parlent de mes textes, c'est Vik le presque tout nu qui me demande des poèmes (exaucé, Vik), c'est le Rag qui me survole amicalement, c'est dg2 qui porte longuement la flamme Kikouroù et qui vient discuter un moment avec moi... pardon de ne pas tous vous citer mais je ne suis pas Prévert.

Le hamster se contente d'un confort relatif, il trouve que les toilettes sèches sont vraiment top. Les garçons aiment même pisser dans une gouttière. Josette, issue d'une tribu franque de la forêt d'Ecouves, semble à l'aise dans ce milieu, la rusticité des commodités lui rappelle la ferme de ses grands-parents.


Le hamster se contente d'un simple lit de camp pour récupérer sous la tente des Kikous... Oups ! pas de lits cette année dans l'aire des furieux en rouge, la France est semble-t-il en marche et il n'est plus question de s'allonger. Ni d'allonger les biftons d'ailleurs car le ravito tourne au spartiate. Même le Pepsi est allégé en sucres, ce dont les hamsters en mal de glucides s'aperçoivent à leur grand dam. C'est pô grave, le hamster est brave et il est là pour transformer sa souffrance en euros pour le bien des petits n'enfants. Un euro du km, ça a d'la gueule quoiqu'on en dise. 


Marche et rêve 
2ème partie


Il est 20h30, nous sommes sur la brèche depuis plus de dix heures, Josette n'en revient pas, elle a atteint ses 50 km et se sent capable d'aller d'atteindre les 60km mais avant, gros repas avec Annick. J'apprends l'abandon inopiné de mon Namtar auquel je ne porte décidément pas chance. Il me poutrera plus tard...

La nuit s'installe et progressivement une nouvelle épreuve se met en place, c'est la plongée dans le dur. Contrairement à Annick qui défaille à un moment mais revient vite danser sur le volcan, Josette n'a aucun coup de mou mais ce n'est pas cela qui la tracasse...


Ouille ouille ouille ! Dans la tente kikoue, Josette réalise l'étendue des dégâts : chaque pied s'est couvert d'une demi-douzaine d'ampoules, c'est pas des arpions, c'est les Champs-Élysées la nuit ! Quant à moi qui n'ai jamais d'ampoules, j'en découvre trois belles en changeant de chaussettes. Protch ! l'une d'elles vient de céder, libérant un liquide légèrement coloré. Je scotche ce que je peux et remets mes pompes. Mon épouse fait ce qu'elle peut comme soins. "La prochaine fois que je change de chaussettes, la peau des pieds va partir avec !" Elle décide finalement qu'elle n'enlèvera plus ses croquenots. Ses grolles, c'est plus des godasses, c'est des boîtes à œufs ! Et ça brûle, et ça crame, et ça fume ! Tant pis, nonobstant ses ancêtres Francs, ma femme descend de véritables Vikings de Falaise du côté de son père, ce ne sont pas ses pieds qui vont l'empêcher de marcher, mais boudiou que ça fait mal !


A la suite de chaque arrêt, le redémarrage est lent et pénible mais après quelques centaines de mètres, le rythme est trouvé et, grâce à nos bâtons, nous ne descendons pas sous les cinq à l'heure. 

La nuit s'est installée et les foulées se font plus mécaniques, notre rythme qui a l'heur d'être assez régulier grâce aux bâtons se rapproche de celui des autres même si les fusées comme Stéphanos ou Vik nous passent régulièrement. 

Aux environs de 1h00 du matin:
Josette et Annick pour les 110 000 euros récoltés
Photo No Finish Line Paris

Du côté des proches, tout semble aller pour le mieux, le Mustang trottine doucement vers ses 121 km tandis que François semble bien parti pour les 150 km qu'il atteindra effectivement. Quant à Katia, elle ne s'aperçoit pas tout de suite qu'elle réalise un exploit : alors qu'elle désirait parcourir 120km au mieux, elle en court 151, ce qui la placera à la 4ème place féminine à seulement deux tours de Patricia.B mais aussi à la première place de notre groupe ornais.

La nuit des morts-vivants (G.Romero)

La deuxième partie de la nuit est la plus dure, l'envie de dormir étreint le hamster fatigué, son regard est glauque, sa conversation rare, ses intestins en bataille et sa tête embrumée. Il rêve éveillé et voit partout des Chinois faisant des selfies devant la Dame de Fer, des fêtards danser autour d'un bus, des Africains vendeurs de Tour Eiffel miniatures et un type venu d'on ne sait où attendre on ne sait qui sur le même banc vêtu d'un costard et pourvu d'une simple valise. Le Hamster sait alors qu'il hallucine car comment imaginer qu'un homme qu'il vienne de Syrie ou d'Irak puisse passer le jour et la nuit sur le même banc face aux fêtards, aux limousines et aux Ferrari ; comment imaginer une telle détresse face à la Tour Eiffel ?

La nuit s'enfonce dans la nuit et les Chinois disparaissent, les fêtards s'évanouissent, les Ferrari tournent, elles (arf !). Seul le type en costard reste assis sur son banc. J'ai des sacrés coups de moins bien et je dois me faire violence pour rester à la hauteur de mon épouse qui passe les 70 puis atteint les 80km. "Allez Josette, on se le fait ce double marathon : 84,4km et on s'arrête."

François, Mustang, Josette, Annick

Le double marathon est atteint dans la matinée. Gros arrêt thé citron. Que faire ? On est un peu tapé... Et si nous nous reposions dans la tente réservée aux coureurs du 24H ? Hou, cinq lits pour une centaine de concurrents, le luxe ! Nous nous couchons tête-bêche sur le seul lit disponible. Au bout de trois quarts d'heure, nous sommes pris par le froid. Les machines tournent à vide, le carbu manque grave... Que faire ? Nous mettons une couche supplémentaire de vêtements et nous repartons crânement histoire de nous réchauffer. 

Rejoints par Annick, nous prenons notre temps, ma femme est vraiment contente de ce qu'elle a fait et moi je suis très fier d'elle. Annick boucle ses 90 km en notre compagnie, elle a deux tours d'avance sur nous. A un quart d'heure de la fin, je m'aperçois que notre couple frise les 90 km et j'en avertis les filles. C'est le grand démarrage ! Nous montons à plus de six à l'heure en poussant sur les bâtons et en oubliant le gonflement des pieds et les ampoules. Acharnés de la marche, nous dépassons Stéphanos qui va vers la victoire d'un pas de sénateur entouré d'un groupe de copains. Nous passons la ligne : 89,976km, on a encore du temps ! Nous fonçons jusqu'au signal de fin du 24h00.

360m plus tard, il est 10H00. Nous avons dépassé les 90km et nous nous assoyons non sans avoir déposé notre marque prise au dernier passage. En attendant le juge officiel, nous regardons d'un air béat les nombreux coureurs qui participent à la version open de la No Finish Line. Certains applaudissent en passant, ça fait chaud au cœur.


J'ai fait la No Finish Line avec mon épouse. No finish Line, c'est un peu notre vie à nous, rien qu'à nous.






Texte rédigé en écoutant les 117 premières sonates de Scarlatti interprétées par Scott Ross.




1 commentaire:

  1. UN GRAND MERCI A VOUS DEUX DE PARTICIPER A LA NO FINISH LINE PARIS A TOUS LES KIKOUROUS POUR LEURS GENTILLESSE ET ENCOURAGEMENT MERCI A FRANCOIS ET MIREILLE POUR VOTRE ACCEUIL POUR MOI MON PREMIER 24 H INDIVIDUELLEET TENIR 24 H SANS DORMIR PAS FACILLE CAR MOI JE SUIS UNE VRAI MARMOTTE AVEC MES 10 H DE SOMMEIL

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