vendredi 15 juillet 2011

L'araignée fantôme

 Photo de Ma Josette

Un spectre marche en crabe sur un vêtement.

 Photo de Ma Josette

Il s'agit d'une thomise, araignée chasseuse pro du camouflage. Elle peut être blanche, jaune, rose ou zébrée. Elle a la faculté de changer lentement de couleur pour s'adapter à l'endroit dans lequel elle chasse à l'affût car cette araignée ne tisse pas de toile mais attend patiemment sa proie confortablement installée au cœur d'une fleur.

Photo de Ma Josette

Sa principale victime est l'abeille qu'elle tue à l'aide de son venin foudroyant avant de sucer l'intérieur de l'insecte.

 Photo Andrew Butko


En conclusion et pour le plaisir, voici comment le grand Jean-Henri Fabre, père de l'entomologie, nous décrit la chasse de la thomise dans son superbe style à la fois scientifique, littéraire et philosophique :


L'Abeille survient, toute pacifique et désireuse de butiner. De sa langue, elle sonde les fleurs ; elle choisit un point d'exploitation fructueuse. La voici bientôt absorbée dans sa récolte. Tandis qu'elle s'emplit les corbeilles et se gonfle le jabot, le Thomise, bandit à l'affût sous le couvert des fleurs, émerge de sa cachette, contourne l'affairée, sournoisement s'en approche et d'un brusque élan la happe derrière la tête, à la naissance au cou. En vain l'Abeille proteste et darde au hasard son aiguillon, l'assaillant ne lâche prise. 

Du reste, la morsure à la nuque est foudroyante, à cause des ganglions cervicaux atteints. En un rien de temps, la pauvrette étire les pattes, et c'est fini. A son aise, maintenant, l'assassin hume le sang de sa victime ; puis, dédaigneux, il rejette le cadavre tari. De nouveau il s'embusque, prêt à saigner une autre récolteuse si l'occasion s'en présente. 

Cet égorgement de l'Abeille dans les saintes joies du travail m'a toujours révolté. Pourquoi des laborieux afin de nourrir des oisifs, des exploités afin d'entretenir des exploiteurs ? Pourquoi tant de belles existences sacrifiées à la plus grande prospérité du brigandage ? Ces odieuses dissonances dans l'harmonie générale troublent le penseur ; d'autant plus que nous allons voir le féroce buveur de sang devenir un modèle de dévouement à l'égard de sa famille. 

L'ogre aimait ses enfants ; il mangeait ceux des autres. 

Tyrannisés par le ventre, bêtes et gens, nous sommes tous des ogres. Dignité du travail, joie de vivre, tendresses maternelles, affres de la mort, tout cela ne compte chez autrui ; l'essentiel est que le morceau soit tendre et de haut goût.

Souvenirs entomologiques (série IX chapitre 5 - 1905)

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