mardi 5 avril 2011

Marathon de Cheverny 2011


Un marathon chez Tintin

 ...et ma Josette à Moulinsart

Quelques explications

A priori, je n'avais aucune raison de courir ce marathon.  Depuis cinq ans, mes performances sur cette distance étaient passées au delà de la barre des 3h30 et j'avais finalement décidé d'arrêter de me faire mal pour quelques minutes en moins.

De plus, j'avais grandement apprécié mon marathon de La Rochelle 2010 lors duquel je m'étais éclaté en 4h23 avec ma copine Béatrice que j'avais entraînée ainsi que son mari Erick et ma presque petite sœur Catherine. En compagnie de gens aussi charmants et motivés, j'avais passé un excellent weekend et c'est très fier de mes "élèves" qui avaient tous rempli leurs objectifs que j'étais rentré à Alençon gonflé à bloc.

Las, à peine arrivé, ce fut la douche froide et je me fis agresser sévèrement par un ultra trailer  de mon entourage qui me fit comprendre que je n'étais qu'un tranche-montagne doublé d'un brasseur de vent et que mes petits exploits de coach de marathoniens ne valaient pas tripette face au vrai défi que constituent des courses comme l'Ultra-Trail du Mont Blanc, le Grand Raid de la Réunion ou le Grand Raid des Pyrénées.

Il avait peut-être raison, après tout, et tous les exercices que j'avais imposés à mes camarades pour préparer La Rochelle pouvaient n'être qu'une façon pour moi de me mettre en avant, faisant oublier par là-même la médiocrité de mes performances depuis que j'avais passé le cap de 50 ans.

Il fallait que j'en aie le cœur net et, grâce à mes recherches et à un livre opportunément offert par mon coach Allain, je me concoctai un petit programme d'entraînement sur douze semaines avec comme objectif le marathon en 3h29. Je mesurais l'aspect dérisoire de la chose : j'allais me faire mal pendant trois mois pour, au mieux, gagner les sept minutes qui séparaient mon dernier marathon perso (3h36'40") de mon but présent et plus probablement exploser comme à Paris en 2008.

La préparation

Pour éviter l'usure, je limitai mon nombre de séances à quatre par semaine avec trois semaines axées sur un travail de remise en condition, une semaine allégée, six semaines axées sur le travail spécifique marathon avec participation à  une compétition (trail Glazig) au milieu puis deux semaines de relâchement afin de récupérer des efforts consentis durant toute la préparation et aborder le marathon dans un bon état de fraîcheur.

En gros, ça donnait des séances sur piste comme ça :



Et des séances longues avec paliers d'accélération sur route comme ça :



Ne pouvant imposer ce type d'entraînement à autrui, je me résolus à entamer seul cette série de sorties, chose que je ne faisais jamais auparavant.

En effet, une certaine lâcheté me pousse généralement à éviter de me confronter à moi-même, ce qui fait que j'ai un comportement parfois excessivement grégaire.

Le sport étant ce qu'il est : une école de la fraternité, je ne restai pas longtemps seul et deux collègues me rejoignirent pour me servir de lièvres :


Thierry (pas moi, lui) dont j'avais pu apprécier la valeur lors de la Saintélyon voulut bien me servir de partenaire lors des entraînements sur piste si ingrats quand on les pratique seul.


Hervé que j'avais déjà pu chronométrer à 24 km/h lors de la préparation de son premier marathon et qui depuis était monté à 3h12 sur cette épreuve, chrono plus qu'honorable... Il me proposa de m'accompagner lors des sorties longues ponctuées de séries d'accélérations.


Je ne suis pas allé chercher ces deux vaillants quadras et ils ne m'ont assisté que par pur désintéressement. Je les en remercie chaleureusement.

Trente-trois ans après

J'avais choisi le marathon de Cheverny pour deux raisons, d'abord parce qu'il avait une bonne réputation de convivialité et ensuite parce que comme j'allais me faire mal, autant que je me fasse du bien.

En effet, ce weekend correspondait à mon trente-troisième anniversaire de mariage. Eh oui, les Lutins, ça se marie un premier avril.  

Or donc, dès le vendredi, je véhiculai ma Josette vers un gîte à Cheverny où nous dinâmes plus que bien dans un restaurant local. 

Le samedi, sous un soleil radieux, nous visitâmes d'abord le château de Chenonceaux et sa formidable collection de peintures anciennes.


Ensuite, ce fut la visite du château de Cheverny, chef-d’œuvre du XVIIème qui servit de modèle à Hergé pour le château de Moulinsart. Nous y avons d'ailleurs rencontré de fort sympathiques personnages...


Tout cela fut suivi par une formidable pasta-party dans l'orangerie du château. La palme revient à l'organisation dont la convivialité l'emporte à l'enthousiasme et à la précision. 

C'est plus classe qu'un gymnase, non ?

La course 

Crash ou pas crash ? Il fallait que je mette toutes les chances de mon côté : je n'avais bu ni apéro ni pinard à la pasta (en plein  pays des vins de Loire!!!) et j'avais décidé d'abandonner tout ce qui pouvait me déconcentrer : mon appareil photo, mon Ipod et même ce vieux malade de Lutin d'Ecouves.

La suite du récit vous est donc narrée par Thierry (celui-là, c'est moi...) :

Alors qu'il faisait plus de vingt degrés hier, ce matin, il pleut et je m'échauffe sans conviction sous un coupe-vent siglé "marathon de Paris". J'ai opté pour un t-shirt plutôt que pour mon classique débardeur en raison du froid.

Ce n'était pas la peine, la pluie s'arrête juste au moment du départ. Nous sommes environ onze cents à nous élancer du parc du château. Plutôt classe comme début...

Je vais essayer de rester lucide le plus longtemps possible. Je sens bien que mes douze semaines d'entraînement m'ont correctement préparé sur le plan cardiaque. Sur le plan musculaire, c'est un peu moins probant mais je sais bien que mon principal ennemi, c'est la gamberge. En conséquence, je vais penser course, foulée et rythme.

Le premier tour nous emmène dans une traversée des deux communes jumelles : Cheverny et Cour-Cheverny. Lors de cette boucle, nous prenons déjà 50 mètres de dénivelé. C'est la surprise du jour pour moi : ce marathon aux portes de la Sologne n'est pas aussi plat que le paysage le laisserait penser et je vais devoir gérer 300 mètres de dénivelé positif, ce qui est peu pour un trail mais qui peut coûter cher sur un marathon.

Retour vers le point de départ : nous nous engageons sur la grande boucle qui commence par cinq bons kilomètres de chemin caillouteux répartis en trois longues montées. 

Je regarde mon GPS que j'ai réglé sur affichage distance/vitesse moyenne. Il m'indique que je tourne à 12,7 km/h. J'ai de quoi m'inquiéter car je sais que ce passage difficile, je vais le retrouver juste avant d'aborder le trentième kilomètre.

Mon rythme est un peu trop élevé mais je laisse faire. Ce n'est plus moi qui impulse ce tempo, ce sont ces douze semaines d'entraînement qui m'ont formaté sur le plan cardio-respiratoire et, pour le moment, c'est à cette vitesse que je progresse sans trop d'efforts.  

Les cailloux laissent la place aux flaques d'eau puis enfin à la route. J'ai effectué 14 km et je suis toujours à 12,7 km/h de moyenne. Troisième ravitaillement : je m'astreins pour la troisième fois à boire un demi-verre d'eau et un verre de glucose en marchant 40 secondes.

A chaque redémarrage, j'ai du mal à retrouver mon rythme puis la machine repart au bout d'une minute ou deux. 

Vers le dix-septième km, première alerte : l'horloge hoquette, je connais bien ce type de dysfonctionnement ; si je laisse cette arythmie s'installer, cela peut tourner à la catastrophe ou pire, au n'importe quoi. 

La meilleure solution, c'est de me mettre dans la foulée de quelqu'un qui semble plus régulier que moi. C'est surprenant comment on peut se sentir aussi proche d'un parfait étranger. Je colle à la foulée de Pascal (c'est ce qui est marqué sur son dossard), nos bras pendulent à dix centimètres l'un de l'autre et nos foulées ont exactement la même longueur. Un seul bruit, un seul souffle, un seul effort. 

Pascal desserre les dents au semi où il m'annonce que nous sommes juste sous les 1h40. Je me départis de mon mutisme pour lui expliquer en trois mots mon inquiétude de mal finir  à un rythme pareil. Il m'explique qu'il vise 3h20 en vue d'une qualification pour le championnat de France V2.

Nous arrivons ensuite dans le parc du château et nous repartons vers un nouveau tour. C'est dans ces moments que ma femme qui fait la randonnée me fait signe et me photographie. Je suis présentement plutôt en forme et je la passe sur un bon tempo.


Je retrouve ensuite les cinq kilomètres de cailloux, de flaques et de côtes qui m'ont tracassé précédemment. 

Lors du ravitaillement du 25ème km, je perds le contact avec Pascal. Peut-être a-t-il un coup de moins bien ou ai-je abordé la forêt trop vite. Je n'ose pas me retourner, je sens que le moindre incident, le moindre défaut de concentration peut dérégler la machine. Le désordre qui sommeille toujours en moi peut surgir à tout moment. Je dois rester sur les rails de vide qui courent devant moi. Ne pas penser, courir, s'obstiner...

Je ne vois plus la côte, mes yeux  se posent à un mètre cinquante devant moi comme si je courais sur terrain accidenté. La douleur est là, dans les cuisses mais c'est la caisse qui commande. En fonction économie d'énergie, mon esprit analyse juste les données numériques : j'aborde le trentième kilomètre un peu entamé à une moyenne de 12,6 km/h. Je sais que je vais perdre de la vitesse sur la fin mais j'entrevois une issue honorable à ce marathon.

Pas d'euphorie ni d'angoisse. J'ai mal mais c'est normal.  Cependant, mon rythme faiblit et je suis bientôt à 12,5 km/h de moyenne totale. Je suis doublé par un groupe de trois coureurs et je me laisse aller quelques secondes. Je connais bien cette pente psychologique.

Cinq mètres, six mètres... je réagis enfin et colle subitement à la foulée de mes prédécesseurs. Je vais même jusqu'à prendre le relais de temps en temps. L'un des coureurs va finir par lâcher mais les autres suivent et finissent même par me distancer. 

C'est à ce moment que Pascal me rejoint et m'explique qu'il n'avait pu me suivre dans la forêt à cause des côtes qui avantagent les trailers tels que moi. Il court après sa qualification et, même s'il n'a plus trop d'illusions, il s'envole dans les quatre derniers kilomètres, me laissant négocier seul cette fin de marathon. 

Pas de souci, je sais que mon objectif sera atteint. Cela dit, j'ai les jambes comme du béton et ma foulée est raccourcie de moitié. Il est temps que ça se termine !

Les coureurs autour de moi ne sont pas plus frais et j'en vois même marcher dans le dernier kilomètre. Je bascule enfin mon affichage en mode temps et je m'aperçois que je peux encore faire un chrono de 3h25.

Je suis sur une légère montée et je ne progresse plus qu'à onze à l'heure. Je pousse un cri de douleur et je fais comme un bond en avant. Je connais ce sursaut préparatoire à l'ultime accélération. Une dernière grimace et je parcours les trois cents derniers mètres comme libéré d'un fardeau pour finir en souriant sur la ligne d'arrivée à 14km/h. 

 3h25'20" : c'est mon troisième meilleur temps sur marathon. Les deux autres datant de 2001, j'ai de quoi être content et, cerise sur le gâteau, j'apprendrai plus tard que je suis 255 ème sur 1053 coureurs.

Je remercie les bénévoles de ce superbe marathon et je retrouve Pascal qui est arrivé en 3h24, un peu déçu par son chrono mais cependant totalement détendu. 


Un bilan

D'abord, je me suis prouvé qu'un entraînement sérieusement suivi reste efficace, même à 55 ans. Le contraire eut été gênant pour quelqu'un comme moi qui prétend entraîner des gens au marathon.

Ensuite, j'ai réussi un pari fou à mon sens : courir un marathon avec moi. Le personnage est aléatoire et déstabilisant, ce n'était pas gagné d'avance.

J'ai à nouveau éprouvé le fait que le marathon est une discipline exigeante qui demande beaucoup d’investissement. C'est pourquoi mon prochain marathon  à Caen se fera en quatre heures ; il faut en prendre et en laisser...

Enfin, je crois avoir trouvé ma limite qui se situe aux environs de 3h20 avec moins de dénivelé et une gestion au rasoir. Quand je vois que sur l'épreuve que je viens de courir, j'ai compté quatre V2 sous les trois heures, je mesure la modestie de ma performance...


3 commentaires:

  1. A 5 jours du marathon, ne pas relire le récit du crash de 2008.
    A 5 jours du marathon, ne pas relire le récit du crash de 2008.
    A 5 jours du marathon, ne pas relire le récit du crash de 2008.
    A 5 jours du marathon, ne pas relire le récit du crash de 2008.
    A 5 jours du marathon, ne pas relire le récit du crash de 2008.
    A 5 jours du marathon, ne pas relire le récit du crash de 2008.
    A 5 jours du marathon, ne pas relire le récit du crash de 2008.
    A 5 jours du marathon, relire des phrases telles que "D'abord, je me suis prouvé qu'un entraînement sérieusement suivi reste efficace, même à 55 ans."
    A 5 jours du marathon, relire des phrases telles que "D'abord, je me suis prouvé qu'un entraînement sérieusement suivi reste efficace, même à 55 ans."
    A 5 jours du marathon, relire des phrases telles que "D'abord, je me suis prouvé qu'un entraînement sérieusement suivi reste efficace, même à 55 ans."
    A 5 jours du marathon, relire des phrases telles que "D'abord, je me suis prouvé qu'un entraînement sérieusement suivi reste efficace, même à 55 ans."
    (ceci dit on rigole plus au récit du crash)
    Oups !
    Ne pas se moquer des petits copains à 5 jours du marathon.
    Ne pas se moquer des petits copains à 5 jours du marathon.
    Ne pas se moquer des petits copains à 5 jours du marathon.
    Ne pas se moquer des petits copains à 5 jours du marathon.

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  2. Bravo nous avons passé le semi ensemble en 1h39 et des poussières mais là tu ne te souciais pas de ce temps en avouant vouloir repasser sous les 3h30. Nous avons traverser le parc et jusqu'au ravitaillement fait route ensemble A ce moment là je pensais que ton objectif serait dur à atteindre. Ne connaissant pas ton N° de dossard je n'ai pas pu savoir avant aujourd'hui ta performance. Sportivement Gérard

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  3. Bravo à toi, super récit! Effectivement je suis arrivé quelques secondes après toi. Belle perf, tu peux en être fier!

    @ plus

    tellthefrog

    http://tellthefrog.sport24.com

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