mercredi 29 septembre 2010

Chroniques du Camping 7


Départ


La vie, pour moi, c'est comme ce clip de The Sundays dans lequel on  voit des gens monter sur un plongeoir et regarder le grand trou noir qui s'ouvre sous eux, puis se jeter dans le vide tout en ne sachant pas ce qu'ils trouveront en bas. Parfois, la chute est douloureuse...

Ce matin-là, alors que j'avais terminé mon heure de jogging, je revenais des sanitaires où j'avais fait la vaisselle de la veille. Comme d'habitude, je n'avais pas l'air fin avec ma bassine en plastoche et mes gants à vaisselle roses.

Pendant ce temps-là, ma femme commençait les premiers rangements précédant notre départ. Il nous restait deux jours de vacances et le camping, en cette troisième semaine d'août, se vidait progressivement.

Proche des sanitaires, se trouvait la caravane d'une famille qui était en train de procéder aux derniers ajustements avant le départ. Ces gens, n'étaient pas restés longtemps mais je n'avais pu que les remarquer. La femme souffrait d'une tumeur au cerveau qui la désarticulait totalement, amenant sa démarche constamment à la limite de la chute. Chacun de ses gestes faisait penser à un pantin dont on avait coupé les fils, son entendement était diminué et elle était manifestement prise en charge par son mari et sa fille. Une chimiothérapie récente l'avait totalement privée de ses cheveux.

Cette grande femme au physique athlétique n'avait plus que sa poitrine pour  attester de son sexe. La maladie lui avait volé sa féminité et pourtant, ce  jour-là, je la voyais pour la première fois en robe. Des boucles en argent ornaient ses oreilles. Une pièce de tissu et deux morceaux de métal pour faire face à la maladie, c'était si dérisoire et pourtant si essentiel...

Je suis passé devant leur emplacement. Le père et la fille attelaient la caravane pendant que la mère attendait, le regard absent, déjà autre part.

Lui ne me voyait pas, il ne voyait jamais personne, tout à ses problèmes, sachant que la vraie douleur ne se communique pas, ne se partage pas.

L'enfant, une adolescente d'environ quinze ans au look gothique croisa mon regard. Perdus au milieu d'un lourd maquillage noir, ses yeux exprimaient lassitude et désarroi. Et pourtant, l'étincelle était là ; la vie brillait en elle malgré les efforts qu'elle faisait pour rendre son apparence funèbre.

Je voulais la prendre dans mes bras, lui dire qu'elle était belle et que la vie lui apporterait plus qu'elle ne lui prendrait mais je n'en fis rien, je ne pouvais rien faire. Le sentiment de mon impuissance me fit monter les larmes aux yeux. Je détournai la tête et regardai le ciel pour me donner une contenance.

"Aujourd'hui, il doit faire beau", dis-je à ma femme en arrivant sur mon emplacement.

Elle me sourit. 



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